CHRONIQUE DE WATHIE
Une formalité ! Voilà ce que Macky SALL et son régime préparent. Comme l’a suggéré Ousmane NGOM, qui s’y connait bien en matière de tripatouillage, le scrutin du 24 février prochain semble, à l’état actuel des choses, joué d’avance. Macky SALL a choisi les candidats qui lui feront face, après avoir biaisé en amont et en aval le processus électoral qui ne produira que les résultats escomptés par le régime qui l’a unilatéralement mis en place. Pendant ce temps, l’opposition, prise au dépourvu par les manœuvres que Macky SALL déroule depuis des années, s’en va se plaindre auprès de l’ONU et de la CEDEAO, espérant un improbable miracle qui ne passerait pas par un rapport de force.
Le 27 janvier 2018, dans une autre chronique (Présidentielle 2019 : les prémices d’un passage en force de Macky SALL), nous écrivions : « Alors que les opposants, à distinguer des complices de Macky SALL dans l’opposition, se mobilisent au Palais de Justice de Dakar où est jugé Khalifa SALL, le régime manœuvre sur un autre tableau. D’abord appelées « dialogue», pour sans doute décourager ceux qui n’avaient vu que du feu au premier du nom, ensuite « concertations sur le processus électoral », les rencontres entre Seydou Nourou BA et certains partis politiques sont parties pour engendrer une monstruosité démocratique. En effet, au menu desdites rencontres : la validation d’un système de parrainage. Selon le projet, tout candidat, même investi par un parti légalement constitué, devra présenter entre 60 et 65 000 signatures (1 % de l’électorat) recueillies dans six régions. Membre de la mouvance présidentielle, Youssou NDOUR aurait dû élever la voix non pas pour chanter mais pour dénoncer. En 2012, alors candidat indépendant à la présidentielle, il n’avait pas pu recueillir 10 000 signatures valables. Sa mise à l’écart a été suivie d’une cacophonie indescriptible. Pourtant, Macky SALL est en train de faire pire. Avec 60 000 signatures exigées, ce système de parrainage, qui était opposé aux seuls candidats indépendants, va finir par être imposé à tous les candidats, réduisant ainsi leur nombre». Ainsi, ce qui était pressenti depuis bientôt un an, avant même que le projet de loi ne passe à l’Assemblée nationale pour être adopté sans débat, se déroule sous le regard impuissant des opposants qui se veulent hagards. Ces derniers, après avoir accepté de jouer le jeu auquel Macky SALL les a forcés à participer, ruent dans les brancards et donnent l’impression de ne comprendre la nocuité de ce système qu’après que le Conseil constitutionnel a invalidé leur dossier de parrainage. En outre, en dehors du parrainage dont le caractère antidémocratique est maintenant perceptible de tous, la sagesse des sept magistrats dudit Conseil a toujours été l’objet d’étude. Toujours reconnaissants envers le président de la République qui les a désignés, fusse-t-il sortant, de ces membres du Conseil constitutionnel, l’opposition ne devrait attendre qu’un miracle.
Macky SALL a déjà mis en place son système de forcing et est déterminé à le dérouler quitte à défigurer la démocratie sénégalaise. L’opposition qui diffère ses face-à-face avec lui, risque de le comprendre quand le même Conseil constitutionnel prononcera les résultats définitifs du scrutin. Le leader de l’APR a déjà montré, au travers des scrutins référendaire de 2016 et législatif de 2017, que la contestation ne lui empêche guère de savourer ses “victoires”. Et les forcings, même s’il n’a fait ses preuves que dans les arcanes de l’Etat, Macky a appris à bien les dérouler alors qu’il était aux côtés de Me WADE. Premier ministre, il avait emballé Idrissa SECK dans un magnifique paquet, avec le logo de l’IGE, avant de le déposer à Rebeuss. En 2007, occupant toujours les fonctions de chef du gouvernement, il n’avait pas hésité à forcer un bureau de vote où il s’était présenté sans sa pièce nationale d’identité. Les « beuk boutou » (forcings), il sait comment les opérer.
Les Sénégalais, plus préoccupés à se débarrasser de Me Abdoulaye WADE en 2012, ne tinrent guère compte de ces malheureux faits d’armes de Macky SALL et l’élurent à la magistrature suprême. Durant les sept ans que son mandat, qui ne devrait être que de 5 ans, a durés, il a fait tout le contraire de ce qu’il avait annoncé. 25 ministres, Patrie avant parti, gouvernance sobre et vertueuse, justice sociale…, tout cela a fondu comme du beurre sous le soleil. Maintenant qu’il est rattrapé par la patrouille, Macky SALL n’hésite pas, en un moment aussi solennel que le soir du 31 décembre, à raconter des bobards aux Sénégalais. Mais, ses « doumako def, doumako def » (je ne le ferai pas, je ne le ferai pas) ne devraient pas suffire à tracer la ligne. Il n’est pas question de choix économiques, les Sénégalais l’ont observé se lourder à de nombreuses reprises, notamment quand il annonçait l’autosuffisance du Sénégal en riz en 2017 ou quand il a voulu, depuis son palais doré, imposer aux bailleurs le montant de la location de leur bâtiment. Personne ne lui demande de changer d’orientations politique, sociale ou économique. Il est question du jeu démocratique et le leader de l’APR qu’il est ne doit pas avoir plus de chance qu’un autre candidat.
L’opposition peut aller se plaindre auprès de l’ONU, de la CEDEAO et même à Mars, mais, c’est sur le terrain sénégalais qu’elle fera plier Macky SALL ou pas.
Mame Birame WATHIE