CHRONIQUE DE WATHIE
Le président SALL a un agenda caché. Les dérives qu’il s’emploie à répéter, ce n’est ni pour s’assurer un autre mandat, encore moins pour polir son image. Macky balise un chemin. De l’emprisonnement de Karim WADE ensuite de Khalifa SALL à l’instauration du système de parrainage, en passant par la nomination de ses très proches, le leader de l’APR inaugure une nouvelle ère. Le Sénégal n’est plus le même pays. Depuis que les immenses ressources que regorgent son sol et sous-sol sont confirmées, notre pays bascule. Et c’est à Macky SALL qu’il appartient d’amorcer ce virage.
Comme dans les pays où le pétrole coule à flot et où le gaz est en abondance, les Sénégalais sont appelés à se tenir tranquilles. Seule la stabilité peut permettre l’exploitation maximale de toutes ces ressources. Une théorie empruntée au général De Gaule dont le pays après avoir installé son représentant dans tel ou tel territoire s’emploie à lui conforter l’assise. A ce représentant ou gouverneur, il n’est demandé que deux choses : réduire le peuple au silence et exalter l’héritage colonial. Comme l’Algérie, le Cameroun, le Gabon, le Congo, la Côte d’ivoire (sans l’épiphénomène Gbagbo), le Sénégal, qui peut se targuer de deux alternances en douze ans, part pour rejoindre le cercle de ses frères francophones.
Macky SALL est sur la bonne voie. Le président de transition que les acteurs politiques sénégalais et certains observateurs attendaient est arrivé. Mais, pour nombreux d’entre eux, la passerelle risque de les mener dans un pays qui n’est le leur que de nom.
Pourquoi Fallou SENE a trouvé la mort à l’UGB de Saint-Louis le 14 mai dernier ? Il n’était certes pas visé, mais la balle qui l’a fauché cherchait à faire un exemple. A apeurer les étudiants. A leur donner le dégout d’engager un combat, même si c’est pour percevoir leurs bourses. Quand nous disions cela, dans notre dernière chronique, ces faits, qui viennent pour davantage corroborer cette idée, n’avaient pas encore eu lieu. En effet, il est indiqué, que les gendarmes qui ont ouvert le feu, cherchaient, au départ, à empêcher aux étudiants d’accéder au restaurant, sans payer de ticket. Ironie du sort, durant ce même mois de mai, d’autres étudiants ont pris d’assaut non pas un restaurant mais le palais présidentiel. Pour une rencontre à laquelle, ils n’étaient pas conviés, certains d’entre eux ont tenté de forcer le passage en voulant escalader le mur du Palais où Macky SALL était bien présent. Aucun coup de feu n’a raisonné. De l’étudiant qui s’en va au Palais pour rencontrer Macky SALL, tout comme de celui qui va au restaurant pour manger, il ne peut être présumé des actes de violence. Pourtant, les gendarmes n’ont pas eu la même réaction. En outre, les forces de l’ordre, qui ont encadré la marche des milliers d’étudiants, un peu partout au Sénégal, le 22 mai dernier, ont montré que, quand elles le veulent, les marches se passent très bien. Que faire d’une démocratie si les citoyens ne peuvent pas étaler pacifiquement leur mécontentement ? Nous l’avons dit et répété, l’usage de balle réelle contre des manifestants, à plus forte raison contre des étudiants, ne peut s’expliquer que par une réelle volonté de porter le coup de grâce. C’est comme quand les Etats-Unis ont tiré leurs bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, pour mettre un « terme à la résistance ». A propos, pourquoi le gendarme qui a tiré sur Fallou SENE hume toujours l’air de la liberté ? Le recteur sortant de l’UGB est peut-être celui qui a invité les gendarmes au restaurant, mais n’a certainement pas appuyé sur la gâchette. En laissant le gendarme tireur, dont les aveux ont été relayés par la presse, libre, le régime de Macky SALL envoie un signal très fort.
Et pour davantage aider certains Sénégalais à décrypter ce message, le président SALL en envoie un autre tout aussi symbolique. En effet, le chef de l’Etat affirme que les colons français ont « toujours respecté les Sénégalais parce que le régiment des tirailleurs sénégalais quand ils étaient dans les casernes, ils avaient droit à des desserts pendant que d’autres Africains n’en avaient pas ». Des propos qui n’ont pas qu’indigné les parents des tirailleurs froidement exécutés à Thiaroye en 1944 ; les historiens en ont également pris un sacré coup derrière la tête.
« Macky SALL est intellectuellement limité ». Serigne Mansour Sy Djamil, qui tient ces propos en réaction à cette bourde présidentielle, ne nous apprend rien. Dans les colonnes de Walf Quoditien nous écrivions, il y a déjà des années, comment il était dangereux d’écouter un Macky SALL qui improvise un discours. En français ou en wolof d’ailleurs. N’est-ce pas lui qui disait lors du Sommet USA-Afrique, au mois d’aout 2014, que : « L’Afrique est un continent où la majorité des pays a eu son indépendance ça fait pas encore 20 ans; à commencer par le plus grand d’entre nous l’Afrique du Sud ». Avant d’ajouter : « Depuis quand l’Afrique a eu sa liberté et son indépendance ? Alors en moins de 20 ans on veut que le continent Africain soit au même rang mondial que les Etats Unis, l’Europe ? Ce n’est pas possible ». Un président qui perd le nord, qui se ridiculise devant ses homologues et ternit l’image du pays, Macky SALL l’a déjà habitué à ses compatriotes. Mais, avec le coup du tirailleur, ce n’est pas son ignorance qu’il étale. Après avoir, à de nombreuses occasions, à travers plusieurs concessions, montré son attachement à la France, Macky SALL exalte l’héritage colonial pour avoir les moyens de précipiter le Sénégal vers un système qui n’est démocratique que de nom.
Mame Birame WATHIE