Deux documents du Parquet général et du Tribunal de première instance de Monaco attestent que l’Etat du Sénégal n’a pas obtenu gain de cause, dans sa demande de confiscation des comptes bancaires de Karim Wade, Bibo Bourgi et Mamadou Pouye ouverts à Julius Baër Bank.
WalfQuotidien en livre quelques extraits de documents judiciaires obtenus à cet effet.
Dans ses conclusions adressées à Mme le président du Tribunal de première instance de Monaco, le procureur général de cette juridiction dément, de manière formelle, l’information selon laquelle Karim Wade, Bibo Bourgi et Mamadou Pouye ont perdu à Monaco, dans le cadre de la demande de confiscation de la trentaine de comptes bancaires leur appartenant. En effet, dans un document daté du 23 janvier dernier et signé par Olivier Zampirof, premier substitut du Tribunal de Monaco, le ministère public monégasque invite la juridiction en question à «ordonner un supplément d’information aux fins de disposer d’éléments complémentaires par le demandeur, sur l’articulation entre l’action introduite par demande d’entraide et l’action introduite par demande d’exequatur». En même temps, le procureur général requiert, à titre subsidiaire, le sursis à statuer, jusqu’à l’issue de la procédure introduite sur demande d’entraide internationale et «audiencée» devant les juridictions pénales de la Principauté de Monaco. Cela fait suite à une procédure initiée par l’Etat du Sénégal dans laquelle le procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), se basant sur l’arrêt de condamnation de Karim Wade et autres, réclamait la confiscation de plusieurs comptes bancaires ouverts à la Julius Baër Bank à Monaco. Et notamment les comptes au nom de Bibo Bourgi, Karim Wade et Mamadou Pouye. Mais le procureur général de Monaco relève plusieurs griefs sur la requête présentée par l’Etat du Sénégal, ce qui motive son apposition. Et le parquet général monégasque motive sa position. Primo : «L’Etat du Sénégal, dans son assignation, ne mentionne pas la demande d’entraide internationale susvisée». Secundo : «En première approche, les demandes présentées ont le même objet, sauf à préciser que le demandeur ne mentionne pas expressément que sa demande d’exequatur est nécessairement limitée aux dispositions civiles de la décision pénale.»
Tertio : «S’agissant d’une demande présentée par un Etat, la voie diplomatique de la demande d’entraide internationale doit être privilégiée, dès lors que la procédure d’exequatur a vocation à régir prioritairement les relations entre personnes physiques ou morales de droit privé ou morales de droit public à l’exception d’un Etat.» Quarto : «L’Etat du Sénégal, s’agissant de biens immobiliers sis en France, a saisi le Tribunal correctionnel de Paris (France) d’une demande de confiscation sur la base du même arrêt de la Crei. Cette juridiction apparaît avoir rejeté la demande pour des motifs non portés à connaissance dans la présente affaire. Il ne serait pas inutile de savoir si le Tribunal de Grande instance de Paris était également saisi d’une demande d’exequatur. Il est donc nécessaire d’inviter le demandeur à conclure sur l’articulation des procédures introduites à Monaco, d’une part, par demande d’exequatur et, d’autre part, par demande d’entraide internationale.»
Dans son jugement rendu deux jours après la réception de ce réquisitoire du procureur général, c’est-à-dire le 25 janvier 2018, le Tribunal de Monaco a prononcé le sursis à statuer. Et a ainsi subordonné la validation de la saisie bancaire à la reconnaissance, dans la Principauté de Monaco, du jugement de la Crei. Même si la requête de l’Etat du Sénégal a été déclarée recevable, il reste que celui-ci n’a donc pas encore obtenu la validation des saisies qu’il sollicitait de la Principauté de Monaco, contrairement à certaines informations publiées dans la presse d’hier qui tendent à le faire croire.
Pape NDIAYE