Alors qu’elle devait désigner un administrateur provisoire pour la gestion du Groupe scolaire privé Yavuz Sélim, en attendant que le contentieux soit vidé, la Justice sénégalaise a encore prolongé le suspense, jusqu’au 9 octobre.
Pour l’agent judiciaire de l’Etat, «c’est la Fondation Maarif qui a désormais qualité à agir au nom de Yavuz Sélim, l’autre association étant dissoute».
Il n’y a toujours pas d’administrateur provisoire pour le Groupe scolaire privé Yavuz Sélim. Saisi pour en désigner un, le temps que le contentieux soit vidé, le juge des référés a mis l’affaire en délibéré jusqu’au 9 octobre, coïncidant avec la rentrée scolaire 2017-2018. Au cours de l’audience d’hier, les avocats de l’Etat ont brandi une décision du ministère de l’Education nationale qui a retiré l’autorisation d’enseigner à Baskent Egetim, gérant du groupe scolaire Yavuz Sélim. Ce, au profit de la Fondation Maarif créée par le gouvernement turc. Pour eux, «c’est la fondation Maarif qui a désormais qualité à agir au nom de Yavuz Sélim, l’autre association étant dissoute». En effet, selon les services du ministre Serigne Mbaye Thiam, Yavuz Sélim est juste une appellation donnée à des écoles relevant de l’association internationale turque, Baskent Egetim, dont la création au Sénégal, comme association étrangère, a été autorisée par l’arrêté n°002686 du 16 avril 1998.
Mais au cours des formalités d’ouverture des écoles Yavuz Selim, tout comme dans les arrêtés d’autorisation, les déclarants représentent l’association Baskent Egetim et agissent en son nom et non pour le compte d’une société Yavuz Sélim. Et par conséquent, l’arrêté n° 002686 du 16 avril 1998 a été abrogé par celui n° 18353 du 07 décembre 2016, qui entraîne la cessation immédiate des activités de Baskent Egetim, sur toute l’étendue du territoire national. «Baskent Egetim n’est donc plus autorisée à mener des activités d’enseignement au Sénégal. Une société dénommée Yavuz Selim, déclarant responsable autorisé d’établissements privés d’enseignement, est inconnue des registres du ministère de l’Education nationale. Elle ne peut, en conséquence, gérer ou administrer aucun établissement scolaire privé», mentionne l’arrêté du ministère de l’Education nationale.
Arguments du camp adverse
Ces arguments ont été loin de convaincre la partie adverse. Lors des répliques, le camp d’en face d’estimer que «Yavuz Selim SA a bénéficié d’une convention passée avec Baskent Egetim, pour l’exploitation des écoles». Pour Me Boucounta Diallo et ses confrères, «Yavuz Selim SA a acheté le patrimoine immobilier, matériel et foncier de Baskent Egetim et cela a fait l’objet d’une transaction dûment constatée par les institutions compétentes». A les en croire, cette décision du ministre Serigne Mbaye Thiam n’a aucune base légale. «Lorsqu’il s’agit de décider de la modification des statuts d’une association reconnue conformément au droit sénégalais, c’est l’assemblée générale qui doit se réunir pour prendre une décision, à la majorité des 2/3. Lorsqu’il s’agit aussi de prendre une décision pour la dissolution, l’article 18 des statuts dit qu’il faut une assemblée générale où au moins il y aura plus de la moitié des membres pour qu’elle soit prise», clarifie Me Diallo. C’est ainsi qu’une «demande de rétractation» a été adressée au ministère de l’Intérieur, mais celle-ci est restée sans suite. «La décision de fermeture prise par le ministère de l’Intérieur et signifiée à son collègue de l’Education nationale ne saurait être appliquée tant que la Cour suprême n’a pas apprécié», a soulevé, dans la foulée, un membre du pool de la défense.
Hier, au sortir de l’audience, les avocats de Yavuz Sélim se disent optimismes quant à une issue heureuse du contentieux. Et dénoncent cette «précipitation de l’Etat du Sénégal» qui a initié cette procédure, alors que la même affaire est pendante devant la Cour suprême. «L’Etat devait attendre que la Cour suprême vide le contentieux. Nous ne comprenons pas cette impatience tendant en la désignation d’un administrateur provisoire», fait remarquer Me Diallo. Il faut souligner que l’autre manche, qui va se jouer devant la Cour suprême, est initiée par les responsables de Yavuz Sélim. Ils protestent contre la décision du gouvernement de retirer la gestion des écoles du groupe Yavuz Sélim à l’association Baskent Egetim, au profit de Fondation Maarif de l’Etat turc. En fait, l’Etat sénégalais n’a fait que donner suite à une demande de l’Etat turc qui n’est plus en odeur de sainteté avec le mouvement de l’Imam Fethullah Gülen, fondateur de Yavuz Sélim. Erdogan accuse ses partisans de terrorisme et d’être derrière le coup d’Etat manqué du 15 juillet dernier.
Pape NDIAYE / Walf Quotidien