Dans une chronique intitulée du «Code de la presse à une presse codée », nous avertissions sur les risques qu’il y avait à laisser l’Etat du Sénégal amender le projet du Code de la Presse avant de l’adopter et de l’envoyer à l’Assemblée nationale.
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Ce que nous craignions est en phase d’arriver. Le texte qui faisait objet de consensus entre toutes les parties prenantes du secteur des média, a été modifié par le régime de Macky SALL qui l’a ensuite adopté. La dernière mouture du texte qui n’a guère été revue par les acteurs de la presse va être examinée mardi prochain par les députés. Et avec cette législature, qualifiée par la presse notamment comme la plus nulle de l’histoire du Sénégal, la tentation d’une adoption du projet sans amendement conciliant est bien plus que réelle. Et les journalistes et les patrons de presse qui ont été laissés en rade dans cette dernière et cruciale étape vont, à en absolument pas douter, être les agneaux du sacrifice.
En effet, non seulement la dépénalisation du délit de presse n’y figure, mais le gouvernement a greffé des points qui risquent de rendre les journalistes plus dociles que des moutons. Les responsables de la Coordination des associations de presse qui ont fait face à la presse ce vendredi ont mis en exergue certains de ces points en insistant sur le fait que sur les 233 articles du Code, 52 sont répressifs et peuvent hypothéquer une entreprise de presse. Avec l’introduction d’une disposition faisant état de secret-défense, de l’enquête et de l’instruction, le pouvoir tient une loi fourretout pouvant être brandie en n’importe quelle circonstance. Selon Ibrahima Lissa FAYE, membre de la dite organisation, cette disposition est aussi grave que le fait de donner aux autorités administratives, préfet, sous- préfet, gouverneur, la possibilité de retirer une émission, de fermer un organe ou un support de diffusion. En outre, le journaliste susceptible d’être traîné en justice pour diffamation ou autres, est sujet à des amendes pouvant aller jusqu’à 50 millions F CFA. La liste est loin d’être exhaustive.
Un Code contraignant qui ne laisse au journaliste qu’une toute petite marge de manœuvre. Une donne d’autant plus surprenant que le régime de Macky SALL est celui qui compte le plus grand nombre de journalistes. Elu à la magistrature suprême, le leader de l’APR s’est tout de suite entouré de journalistes parmi ceux qui étaient les plus durs avec l’ancien régime. Entre Abdoulatif COULIBALY, Souleymane Jules DIOP, Alioune FALL, Macky a privé aux Sénégalais de nombreux analystes ainsi que de multiples plumes. Et la saignée de s’est pas arrêtée là. D’autres cadors du secteur vont ensuite le suivre, sans oublier les nombreux patrons de presse avec qui il déjeune régulièrement.
Et pourtant le régime pourra toujours se targuer d’avoir répondu à la sollicitation des acteurs de la presse qui ont marché pour l’adoption du projet du Code de la presse.
Mame Birame WATHIE