CHRONIQUE DE WATHIE
Khalifa et Macky n’ont pas que le SALL en commun. Les deux hommes ont également en partage le gout prononcé des arrivées inopinées. Khalifa, tout comme Macky, a été élu à un moment où peu s’y attendaient. Le chemin menant à la municipalité de Dakar a été tracé alors que Karim WADE focalisait toutes les attentions, notamment les plus dédaigneuses. Sans tambour ni trompette, Khalifa SALL a supplanté tous les caciques de l’opposition pour s’emparer du fauteuil de maire. C’était, en 2009, sous les yeux de Macky SALL, également membre de la coalition Benno Siggil Senegaal. Trois ans plus tard, dans le même contexte de défiance des WADE, le leader de l’APR arrive au pouvoir.
Macky semble bien imprégné des traits caractéristiques qu’il partage avec Khalifa. Il a surpris des ténors aguerris par des décennies de militantisme, mais ne voudrait pas être pris au dépourvu par un Khalifa adepte de l’effacement.
Depuis son arrivée au pouvoir, le leader de l’APR ne perd pas des yeux la trajectoire de celui que beaucoup de socialistes présentent comme «une alternative crédible» à son régime. L’Acte III de la décentralisation, qui est presque taillé sur la mesure de Khalifa SALL, a dépouillé celui-ci de l’essentiel des pouvoirs qu’il avait avant 2012. Macky va également le délester de 10 milliards de F Cfa en écartant l’Entente Cadak-Car qui était chargée de la gestion des ordures dans la capitale. Au mois de mai 2015, le gouvernement va bloquer l’emprunt obligataire de 20 milliards de francs Cfa que la municipalité de Dakar voulait faire. Quand Khalifa s’est engagé à aménager la Place dite de l’Indépendance, Macky va lâcher les SARR qui vont lui barrer la route. Aucune marge de manœuvre ne lui est concédée. Un marquage à la culotte diraient certains.
Seulement, aucune de ces tentatives du régime n’aura réussi à faire tomber le masque de Khalifa SALL. Ce dernier va, à chaque fois, faire face-à-face avec la presse pour s’apitoyer sur son sort. Pour ensuite passer à autre chose après avoir donné le témoin à ses poulains qui se chargent des tirs.
«Je ne suis pas un peureux ». Cette précision est généralement faite par quelqu’un qui est accusé d’être une poule mouillée. Khalifa SALL, sur la défensive, l’a faite dernièrement pour ragaillardir ses soutiens qui commençaient à se poser de récurrentes questions quant à ses capacités à faire face au régime de Macky SALL. Mais, plus qu’une précision, cette justification du maire de Dakar cherche à noyer une tenace caractéristique du parcours de Khalifa SALL. En effet, ce dernier, partisan du chemin sans embuches, s’est toujours cherché de solides boucliers pour mieux s’affirmer. Les combats à visage découvert, Khalifa a n’en rarement menés. En dehors de sa députation d’à partir de 1983 durant laquelle, envoyé à l’Assemblée nationale comme l’un des plus jeunes députés, il essuyait les tirs saccadés des libéraux aux langues bien pendues. Sous le régime socialiste, sous l’aile d’un tout puissant Djibo Leyti KA, Khalifa SALL sur qui les espoirs des socialistes reposaient pour annihiler les velléités contestataires des remuants étudiants libéraux, mettait en avant feu Pape Babacar MBAYE, préférant les joutes oratoires à l’Assemblée nationale.
Avec l’Alternance, alors que Me WADE cherchait comment faire rallier ou payer les socialistes dégageant un certain profil, Khalifa SALL, dernier ministre du Commerce d’Abdou DIOUF, disparut de la circulation et se fit oublier. Derrière Ousmane Tanor DIENG, théoricien de « l’opposition républicaine », il était tout à son aise, bien présent mais tout à fait effacé. Comme par un enchantement favorisé par la descente de Karim WADE dans l’arène politique, Khalifa réapparut, tout neuf. A l’issue des élections locales de 2009, nombreux ont été surpris en apprenant qu’il s’est accaparé du fauteuil du maire de Dakar.
Abdoulaye WADE, qui ambitionnait d’imposer Karim WADE aux Sénégalais à travers les élections municipales et rurales de 2009, a, sans doute, soufflé à Macky le don de passer inaperçu de Khalifa SALL. Si bien que le président de l’APR, persuadé que le « Taxawu » Dakar va finir « Taxawu » Sénégal, ne s’est pas seulement chargé de barrer la route au maire de Dakar. Du politicien, chargé de la vie politique de son parti, il s’est également occupé. Macky a bien miné l’appareil PS, sans lequel Khalifa aurait du mal à l’inquiéter. Il commence par baptiser le Centre de conférence de Diamniadio au nom d’Abdou DIOUF à qui il réserve un traitement princier que Me Abdoulaye WADE ne peut espérer. A Ousmane Tanor DIENG, il fait président du Haut Conseil des collectivités territoriales (HCCT), un machin qui ne sert à rien du tout. Pas seulement, Aminata Mbengue NDIAYE est confortablement installée sur son fauteuil de ministre de l’Elevage, Serigne Mbaye THIAM, sur celui de ministre de l’Education nationale. Deux très proches du Secrétaire général du PS qu’aucune défaite électorale n’a réussi à déraciner. Tous ces bonbons que Macky SALL a filés à ces socialistes, en plus de les maintenir dans le giron du pouvoir, cherchent à creuser davantage le fossé entre ceux-ci et Khalifa SALL. Au dernier Congrès du PS, qui aurait dû être l’occasion pour lui d’afficher ses ambitions et d’évincer Tanor qui avait déjà indiqué qu’il ne se présenterait plus à une présidentielle, Khalifa SALL s’est encore défilé se mettant même à dos Aïssata TALL SALL.
Ce vendredi 24 février, Khalifa SALL a jeté le masque. « L’heure est au combat pour la libération des prisonniers politiques. Faisons tout pour la libération de Bamba FALL et Cie. Après, on fera face à eux. Parce que l’affrontement qu’ils refusent aura bel et bien lieu », a-t-il clamé. Il a fallu neutraliser ses lieutenants derrière qui il se réfugiait et ouvrir la Caisse d’avance de sa mairie pour y arriver…
Par Mame Birame WAHIE