La panne récente de notre seul appareil de radiothérapie et celle de l’usine de Keur Momar Sarr, en septembre 2013, remettent au-devant de l’actualité le débat sur notre souveraineté. Quand on y ajoute le fait que des pans entiers de notre économie sont contrôlés de l’extérieur, la question n’en devient que plus pertinente.
Soixante ans après les indépendances, le Sénégal cherche encore sa souveraineté. Dans plusieurs domaines, notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur est anecdotique. Malgré l’eau, le soleil et la terre en abondance, ce sont des milliards de francs Cfa qui traversent nos frontières pour se retrouver dans la poche de privés, notamment en Asie du sud-est. En effet, pour se nourrir, le Sénégal est obligé de saigner. N’ayant pu ou voulu inverser une tendance lourde, nous continuons de payer de fortes sommes en devises pour payer les factures en riz.
Et pour une large part, notre pays est encore très dépendant de l’extérieur en ce qui concerne ses besoins primaires de consommation. Les sociétés d’eau et de téléphonie sont aux mains des étrangers. C’est au lendemain de l’alternance que Dakar a dû revoir sa copie pour récupérer l’électricité qui était gérée par le Consortium Hydro-Québéc Elyo. Ce, en contrepartie de plusieurs milliards payés en guise de dommages et intérêts.
Mais, cela, c’était il y a longtemps. Ce qui est récent, c’est cette panne de tuyau qui, pendant deux semaines, a ramené Dakar au Moyen-Age. En effet, au mois de septembre 2013, pendant une quinzaine de jours, plus de la moitié des habitants de la capitale ont été privés d’eau potable, suite à une avarie survenue au niveau de l’usine de la Société des eaux (Sde) située à Keur Momar Sarr. Selon les explications de cette société détenue, pour une large partie de son capital social, par des Français, les réparations dans cette usine, qui approvisionne 40 % de la capitale, dépendent encore de l’extérieur. Ce sont des ingénieurs français qui ont, en effet, été dépêchés sur les lieux pour les besoins du dépannage. En son temps, cette crise de l’eau avait pris, à juste raison, une dimension politique. L’opposition exigeant une démission pure et simple de tous les responsables impliqués dans la chaine de responsabilité. Au finish, aucune démission (voulue ou provoquée) ni sanction. Du ponce-pilatisme à plein nez !
Au-delà de l’eau, de l’électricité et du téléphone, l’essentiel de l’activité portuaire est détenu par l’étranger. Bolloré, Necotrans, Dubai Port et autres se sont partagées le juteux marché.
Aujourd’hui, ce qui est sur toutes les lèvres, c’est la panne de l’appareil de radiothérapie de l’hôpital Aristide Le Dantec. Ayant accédé à la souveraineté internationale en 1960, le Sénégal ne dispose toujours que d’un seul appareil pour une population de malades du cancer qui se comptent en milliers. Ce qui est paradoxal dans l’histoire, c’est que des pays de la sous-région que sont le Mali et la Mauritanie qui dépendaient de notre machine pour soigner leurs malades sont devenus la destination de nos patients si tant est qu’ils veulent bien s’en occuper. Bamako et Nouakchott ont, en effet, appliqué des tarifs suffisamment dissuasifs aux étrangers pour que notre pays, la mort dans l’âme, sente la nécessité de recourir aux services du Maroc. Au même moment, comme si on était dans une inversion de priorités, l’Etat décaisse sans compter pour l’entretien de dix députés supplémentaires dédiés à la diaspora. Selon des informations non démenties et recoupées auprès de nos parlementaires, un député émarge pour un net à payer de 1 million 300 mille francs. En faisant le calcul, cela revient, pour l’année, à 15 millions 600 mille par tête de pipe. Multiplié par 10, cela fait 156 millions. Pour un mandat de 5 ans, la prise en charge totale globale des députés de la diaspora, hors avantages complémentaires, fait 780 millions. Ajoutée aux budgets du Cese et du Hcct, une telle cagnotte doterait l’essentiel des capitales régionales de leur propre appareil de radiothérapie.
Aux dernières nouvelles, et à en croire le ministre de l’Economie et des Finances, commande a été passée par le gouvernement pour l’acquisition de trois appareils d’un coût global avoisinant les 7 milliards Cfa.
Ainsi, c’est l’essentiel de notre activité économique et de nos besoins sociaux qui sont contrôlés par des étrangers. Alors, elle est où la souveraineté ?
Ibrahima ANNE (Walf Quotidien)