S’il y a une constante avec le régime du président Macky Sall, c’est bien les immixtions intempestives de la famille présidentielle dans les affaires de l’Etat. Passe encore que Mansour Faye, beau-frère du président de la République, soit nommé ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement dans le gouvernement et que Aliou Sall, frère de Macky Sall, soit omniprésent dans l’univers de la République jusqu’à même être éclaboussé par les scandales que l’on sait. Mais, que la Première dame, Marème Faye Sall, qui n’a aucune fonction officielle dans la nomenclature des emplois de la République, ait son mot à dire sur la nomination de ministres, de directeurs généraux et autres, cela nous insupporte. Il a fallu que l’inspecteur de l’enseignement à la retraite, Mody Niang, écrive sur la Première dame Marème Faye Sall pour que toute «l’armée mexicaine» lui tombe dessus à bras raccourcis pour lui faire la fête. Mais, M. Mody Niang avait prévu ce scénario et s’y était préparé en conséquence.
Il faut dire que la Première dame Marème Faye Sall est sous les feux de la rampe. On raconte beaucoup de choses sur elle, dont pas mal de contrevérités. On fantasme sur tout et rien à son égard. Son mari, le président Macky Sall est même monté au créneau pour évoquer son cas. Dans une interview accordée au journal trimestriel «Pouvoirs d’Afrique» et publiée dans son édition de novembre-décembre 2014 et janvier 2015, le président Macky Sall va au secours de son épouse Marème Faye Sall en déclarant : «Ma femme se trouve exposée. Elle est visée. Elle est critiquée».
Réplique immédiate de Mamadou Sy Tounkara, présentateur de l’émission «Senegaal ca kanam» sur le 2stv : «Alors qu’elle n’a jamais travaillé formellement, vous la créditez, dans votre propre déclaration officielle de patrimoine, d’un actif de deux villas là où la superficie est l’une des plus chères au Sénégal. D’ailleurs, l’une de ces villas, qui ne coûterait pas moins de 300 millions FCfa, abrite le siège de votre parti politique. Ainsi, vous l’avez exposée à ce que l’on se pose la question de l’origine de son patrimoine. Sans aucune expérience préalable, vous la laissez diriger une fondation caritative qui distribue ostensiblement des milliards de francs Cfa en dons, aides, bourses et autres interventions humanitaires. N’est-ce pas exposer votre épouse à ce que l’on se demande la provenance de tout cet argent brassé par sa fondation ? Vous l’exposez aussi à répondre plus tard des fautes de gestion ou prévarication dans sa fondation. Votre ministre de la Culture a avoué que c’est votre femme qui l’a fait nommer et a financé une partie de sa campagne électorale lors des locales de 2012. N’est-ce pas exposer votre femme en la laissant nommer des ministres et financer des campagnes électorales ?».
C’est peu dire que d’affirmer que voilà une dame qui garde une certaine influence sur son mari de président de la République. Que Marème Faye Sall joue un rôle important auprès de son mari, personne ne peut le lui reprocher, sauf si ça peut interférer sur les affaires de l’Etat. Une grande influence auprès de son mari qu’elle a dissuadé de présenter sa démission au poste de président de l’Assemblée nationale comme le lui avait demandé le président Abdoulaye Wade. Une femme de refus. Et de conviction. Marème Faye Sall a laissé les membres de l’Apr pantois, le 23 juin 2011, dans son accoutrement surprenant : pantalon jean, tee-shirt, casquette vissée à la tête et baskets aux pieds, distribuant à manger et à boire aux «guerriers» qui étaient montés au front devant les grilles de l’Assemblée nationale. Sur les actifs de Marème Faye Sall, il y a à boire et à manger.
Marème Faye Sall s’est rendue en mai 2016 chez Samuel Sarr du Pds pour lui présenter ses condoléances à la suite du décès de sa belle-mère et a retrouvé sur les lieux Me El Hadji Amadou Sall connu pour ne pas être très tendre avec Macky Sall, ce qui lui a même valu un séjour en prison pour «offense au chef de l’Etat». Sur ces entrefaites, la Première dame a joint au téléphone son mari de président de la République, alors que ce dernier était en voyage à l’étranger, avant de le passer à Me El Hadji Amadou Sall pour que les deux farouches adversaires politiques puissent engager une conversation téléphonique plus que cordiale, et en pulaar s’il vous plaît. Sur place, tout le monde a salué ce geste chevaleresque de la Première dame. Voilà la Marème Faye Sall qu’on aime, c’est-à-dire celle qui s’active à raffermir les relations entre son mari et ses amis avec lesquels il s’est brouillé entre-temps. Mais aussi celle qui fait des actions à haute portée sociale et humanitaire, sans tambour ni trompette, mais surtout, sans la présence des caméras de la Rts. A ce propos, on ne fustigera jamais assez la violation de l’intimité des démunis et couches défavorisées dont la pauvreté est honteusement exploitée et projetée dans tous les foyers par la Rts.
La même indignation a frappé les Sénégalais quand d’autres images plus dégradantes montrant des populations courant après un camion de la Fondation «Servir le Sénégal» et rempli de matelas qui leur sont jetés avec parcimonie de temps à autre. On se croirait au Darfour ou au Kurdistan irakien où les victimes de la guerre, sans logis ni vivres et qui dépendant des ponts aériens humanitaires qui leur balancent ostentatoirement des paquets de biscuits, des sacs de couchage et autres matériels de survie depuis des hélicoptères qui survolent furtivement les camps de réfugiés, sans jamais tâcher de s’y poser. Même si on peut leur concéder des intentions nobles, la façon dont les responsables de la Fondation «Servir le Sénégal» s’y prennent dans l’assistance aux couches défavorisées est, par contre, avilissante et attentatoire à la dignité de ces damnés de la terre. Le populisme prend trop le pas sur le caractère désintéressé.
Nous ne nous attarderons pas outre mesure sur l’origine ou la provenance de l’argent utilisé par la Fondation «Servir le Sénégal» dirigée par Marème Faye Sall. Les mécènes qui achètent à prix d’or les objets d’art mis en vente aux enchères à l’occasion de cérémonies mondaines avant de les offrir à la Fondation «Servir le Sénégal» sont passés par là. Bien sûr, cette générosité ne saurait être gratuite et désintéressée car en bons businessmen, ces «philanthropes», loin de jeter leur argent à la fenêtre, attendent toujours un retour d’ascenseur (….)
Il faut relever aussi que le folklore, le clinquant et le bling-bling qui accompagnent les actions de bienfaisance de la Première dame en réduisent la portée humanitaire et la valeur sociale. Parfois, c’est l’effet contraire même qui est produit, comme ce cri du cœur de cet habitant de Pikine, du nom de Alioune Badara Fall, qui a laissé exploser sa colère après le passage très médiatisé de la Première dame dans la banlieue dakaroise : «Madame la Première dame, arrêtez d’exploiter la misère des banlieusards pour votre simple promotion (…) Vous êtes venue avec vos toilettes en mettant à nu devant la télévision l’intimité de certaines familles innocentes. Cette semaine vous êtes revenue avec des matelas. Vous avez un problème de définition de la priorité. Déplacer toute la presse pour inaugurer des toilettes ou distribuer des demi-matelas… Le problème des Pikinois n’est pas un problème de toilettes ou de matelas, mais les plus grands problèmes de la banlieue sont le chômage, les inondations, la sécurité, la santé et l’éducation. Nous voulons des solutions structurelles, mais pas du colmatage et du tapage médiatique. A mes parents banlieusards, ayons de la retenue et gardons notre dignité, n’acceptez plus d’être ridiculisés devant les caméras, ils ne font qu’exploiter votre misère». Mais, Marème Faye Sall est moins en cause dans cette controverse que ses courtisans et thuriféraires qui orchestrent tout cela et qui en font trop dans le dithyrambe et la flagornerie.
Cela dit, tout le tintamarre de louanges excessives autour de Marème Faye Sall ne fait que la desservir. Dans sa livraison n° 3925 du lundi 24 octobre 2016, le quotidien L’Observateur rapporte une péroraison de Moustapha Diakhaté, président du groupe parlementaire de Benno Bokk Yaakaar à l’Assemblée nationale, qui semble avoir perdu la raison, à supposer même qu’il l’ait jamais eue : «Vous avez noté que le Sénégal a connu plusieurs Premières dames, mais c’est avec Marème Faye Sall qu’on a commencé à sentir l’encens et une ferveur religieuse au Palais. Je peux jurer que c’est une femme pure. A 5 heures du matin, Marème Faye Sall est déjà debout pour prier et faire ses zikrs. On peut dire que c’est la 1ère Première dame à introduire ces pratiques dans la chambre présidentielle. Elle fait le «khadra» du vendredi. S’il existait des femmes Moukhadams au Sénégal, Marème Faye Sall en serait une». Crénom du Ciel !
Quand Marème Faye Sall a été comparée à Mère Teresa, du nom de cette religieuse catholique albanaise naturalisée indienne, missionnaire en Inde, prix Nobel de la paix en 1979 et canonisée par l’Église catholique comme sainte Teresa de Calcutta, on a fait la sourde oreille. Mais qu’on aille jusqu’à l’élever à la dignité de Moukhadam, c’est fort de café. On ne soupçonne pas seulement chez Moustapha Diakhaté un accès de démence, on est en plein dans le blasphème. C’est vrai que le bonhomme nous a habitués jusqu’ici à des énormités, mais celle-là elle est trop grosse. Dans son délire, le gus ne se rend même pas compte qu’il pousse le bouchon trop loin jusqu’à violer l’intimité du couple présidentiel en disant qu’«à 5 heures du matin, Marème Faye Sall est déjà debout» ou, plus grave encore, en parlant «des pratiques de la chambre présidentielle». Qu’est-ce qu’il en sait ? Passe-t-il la nuit au palais présidentiel pour affirmer de façon péremptoire tout cela ?
La Première dame qui se lève tous les jours à 5 heures du matin, qui égrène son chapelet, fait des zikrs, observe le jeûne une bonne partie de l’année ou fait tout le temps la Oumra (petit pèlerinage à la Mecque), tout cela est fort bien. Mais, qu’est-ce que ça peut nous faire ? Que le Palais présidentiel soit embaumé de «thiouraye» ou de «nemmali» depuis que Marème Faye Sall y a élu domicile, qu’est-ce que ça change dans notre putain de vie ? Et puis, quelle curieuse attitude que de faire des commentaires déplacés sur les «thiouraye» et «nemmali» de la femme d’autrui. Dans d’autres pays, pour beaucoup moins que ça, des mecs à la langue trop pendue ont été traînés devant les tribunaux pour harcèlement sexuel. Il y a aussi le risque de s’attirer les foudres d’un mari qui ne peut tolérer des observations aussi osées à l’endroit de son épouse. N’est-il pas plus indiqué et plus correct de s’enivrer et de commenter les effluves, exhalations et émanations lascives de sa(ses) propre(s) épouse(s) ?
Dans son for intérieur, Marème Faye Sall ne se prend ni pour Mère Teresa, ni pour une moukhadam. «L’enfer, c’est les autres», disait Jean-Paul Sartre. Tout cela pour dire simplement que c’est son entourage, sa cour, sa suite et leurs flagorneries qui créent toutes ces histoires et qui lui font un grand tort car si Marème Faye Sall est brocardée de cette façon par les contempteurs de Macky Sall, c’est à cause de toute cette pollution de commentaires laudatifs distillés autour de sa personne, plus par griotisme que par conviction.
Maintenant, Marème Faye Sall n’est pas une sainte nitouche qui se laisse bercer par un angélisme béat. La bonne dame sait aussi donner des coups et se livrer à des intrigues comme toute femme aussi «exposée» et livrée aux vents contraires. Son inimitié avec Mimi Touré est un secret de Polichinelle. On sait aussi que Mame Mbaye Niang est son valet et préposé à l’exécution des sales boulots comme lorsqu’il a fallu cogner très fort sur la pauvre Mimi Touré au plus fort de la disgrâce de la «dame de fer». A-t-elle joué un rôle dans la nomination de son frère Mansour Faye comme ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement ? Dieu seul le sait. Pour la nomination de Pape Dieng au poste de Directeur général de la Senelec, il se murmurait que Marème Faye Sall, amie avec Sally Diop, épouse de Pape Dieng, aurait susurré quelques mots à l’oreille de Macky Sall. En revanche, ses détracteurs qui l’affublent du surnom de Simone Gbagbo, ont sans doute un peu exagéré dans la comparaison et trop forcé dans la caricature. Les mauvaises langues soupçonnent également Marème Faye Sall d’être derrière le limogeage retentissant de Mme Senghor née Fatim Bâ, ex-assistante et amie de trente ans de Macky Sall. Un sujet qui fâche et dont la simple évocation a l’heur de mettre le président Macky Sall hors de lui et dans tous ses états, gêné aux entournures qu’il est par cette affaire aux allures de drame à la Hitchcock.
Par ailleurs, c’est Marème Faye Sall qui nous fait des révélations croustillantes sur le président Macky Sall. Dans une interview accordée au journal L’Express, reprise par Sud Quotidien dans sa livraison du jeudi 24 juillet 2014, page 3, Marème Faye Sall déclare sans sourciller : «Macky est un sentimental, lorsque c’est difficile, qu’un dossier est très compliqué, je demande qu’on me transfère les dossiers, mon mari est sentimental et sensible, faut pas lui donner des dossiers lourds». Seulement, en voulant protéger son mari, elle l’a malheureusement enfoncé et a avoué, inconsciemment, qu’elle se mêle des affaires de l’Etat. C’est tout le sens de l’expression «(…) lorsque c’est difficile, qu’un dossier est très compliqué, je demande qu’on me transfère les dossiers (…)». (…)
Mais, on était prévenu. Depuis son exil canadien, sur les bords du fleuve Saint-Laurent, sous l’ère Wade, Souleymane Jules Diop balançait des missiles assassins du genre : «Voter Macky, c’est élire Marème !».
Pape SAMB
papeaasamb@gmailcom