Le Gabon s’enfonce dans une crise politique durable. Pouvait-il en être autrement alors que de nombreux scrutins sont très violemment contestés sur le continent ?
À l’instar de l’élection présidentielle au Gabon, de nombreux scrutins ont été contestés et accompagnés de violences meurtrières en Afrique, même si certains pays ont connu des alternances réussies. S’il reste difficile de définir les origines de ces crises (politiques, contestations sociales, parfois ethniques), il est de plus en plus aisé d’en définir les acteurs et parfois de les condamner, comme en Côte d’Ivoire ou au Kenya (Uhuru Kenyatta et Laurent Gbagbo ont été convoqués devant la Cour pénale internationale après les violences dans leurs pays). Pourtant, une question demeure dans tous les esprits : pourquoi réaliser des élections souvent dans la précipitation, en sachant très bien que cela risque de déboucher, tôt ou tard, sur une crise électorale, puisque les résultats seraient évidemment contestés par les perdants ? Preuve qu’au-delà de la crise électorale, il y a une crise structurelle à résoudre dans plusieurs pays africains.
- Kenya, entre conflit ethnique et révolte politique
Après un vote pacifique le 27 décembre 2007, le Kenya s’est embrasé à l’annonce de la réélection du président Mwai Kibaki, contestée par le camp de son adversaire Raila Odinga, que les sondages donnaient gagnant. Des émeutes ont éclaté dans plusieurs bidonvilles de Nairobi et dans les grandes villes de l’Ouest, fiefs de M. Odinga. Les violences politico-ethniques ont fait quelque 1 300 morts et plus de 600 000 déplacés, selon des documents de la Cour pénale internationale.
En 1992 et 1997, les deux scrutins avaient été marqués par des violences. En 1992, des centaines de personnes avaient été tuées dans la vallée du Rift (Ouest) dans des violences interethniques.
- Au Zimbabwe, le face-à-face Mugabe/Tsvangirai dégénère
Après la victoire de l’opposition aux élections générales de 2008, les partisans de Morgan Tsvangirai ont été la cible d’une vague de violences (180 morts, selon Amnesty International). Tsvangirai s’est retiré avant le second tour de la présidentielle et son rival, Robert Mugabe, a été réélu lors d’un scrutin qualifié de “farce”. En mars 2002, la présidentielle, remportée par Mugabe, avait aussi été marquée par des violences.
- Nigeria, difficile transition Nord/Sud
Des émeutes ont suivi la présidentielle d’avril 2011, faisant plus de 800 morts dans le Nord (HRW). Les violences ont éclaté après l’annonce de la victoire du sortant Goodluck Jonathan, un chrétien originaire du Sud, sur son rival, Muhammadu Buhari, un musulman du Nord. En avril 2007, les élections avaient aussi été marquées, selon l’opposition et les observateurs, par des fraudes et des violences. Au moins 39 morts selon le bilan officiel, au moins 200 selon l’Union européenne.
- Côte d’Ivoire : Gbagbo/Ouattara, duel politique à mort
Le pays a connu une crise née du refus de Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite à la présidentielle de fin 2010 en faveur d’Alassane Ouattara. Arrêté en avril 2011, après deux semaines de guerre et quatre mois de crise, Gbagbo a été incarcéré à La Haye où il est jugé par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité. La crise post-électorale a fait quelque 3 000 morts.
En 2000, à l’issue d’une élection controversée dont avait été exclu Ouattara, Robert Gueï s’était proclamé vainqueur après avoir fait arrêter le décompte des voix. Gbagbo s’était alors proclamé vainqueur et avait appelé ses partisans à descendre dans la rue. Le général Gueï est renversé par un mouvement populaire et Gbagbo investi après des violences.
- République démocratique du Congo : Joseph Kabila, l’impossible synthèse
Fin 2011, les élections présidentielle et législatives, organisées de façon chaotique et entachées de nombreuses irrégularités, ont été précédées et suivies de violences. Un rapport de l’ONU, dénoncé par Kinshasa, a fait état d’une trentaine de morts. Il accusait les forces de défense et de sécurité de RDC de “graves violations” des droits de l’homme. Le chef de l’État sortant Joseph Kabila a été officiellement réélu, mais l’opposant Étienne Tshisekedi, classé deuxième de la présidentielle, a rejeté ces résultats.
Le pays traverse depuis une crise profonde.
- Togo, une élection traumatisante pour les populations
Lors de la présidentielle de 2005, à la suite du décès de Gnassingbé Eyadéma, des violences ont ensanglanté le pays après l’annonce de la victoire de l’un de ses fils, Faure Gnassingbé. Elles ont fait 400 à 500 morts et des milliers de blessés, selon l’ONU.
- Madagascar, de la crise post-électorale à la transition
En 2001-2002, une crise politique, marquée par des manifestations, a paralysé le pays. Didier Ratsiraka a contesté la victoire de son rival, Marc Ravalomanana, au premier tour de la présidentielle de fin 2001, et répondu à l’autoproclamation de son rival par une confrontation qui a dégénéré en affrontements faisant plusieurs dizaines de morts.
- Gabon : bras de fer entre Ali Bongo et André Mba Obame
Déjà en 2009, la proclamation de la victoire d’Ali Bongo, fils du défunt Omar Bongo, à la présidentielle avait été contestée par l’opposition et suivie de trois jours d’émeutes notamment à Port-Gentil. Les violences avaient fait officiellement trois morts, au moins 15 selon l’opposition.Enregistrer
lepoint