L’affaire a été gérée dans la plus grande discrétion. Selon les informations de Libération, deux terroristes présumés ont été interceptés par la Division des investigations criminelles (Dic) et mis à la disposition du parquet après avoir été interrogés durant plusieurs jours à la Direction de la police judiciaire (Dpj), sous le régime de la garde à vue.
En effet, Assane Kamara né en 1992, domicilié à Sacré-Cœur et Atoumane Sow qui habite Grand-Yoff sont visés pour association de malfaiteurs en liaison avec une entreprise terroriste, apologie du terrorisme et complicité de financement du terrorisme.
Le dossier est d’autant plus sérieux que c’est la mère d’un des mis en cause, désespérée, qui a alerté les enquêteurs de la Police judiciaire. Il y a de cela quelques jours, A.Lô, s’est présentée dans les locaux de la Dic complètement sonnée. Elle révèle que son fils, Assane Kamara qui était jusque-là étudiant en économie à l’Université de Sherbrooke (Quebec) la Tunisie pour faire le Jihad.
A.Lô a souligné devant les enquêteurs la «transformation » de son fils depuis son mystérieux séjour en Tunisie. D’ailleurs, elle ajoutera qu’à son retour au Canada, son fils fréquentait des Afghans et des Pakistanais dans une sorte de mosquée baptisée «Sahaba » où, son rejeton devenu imam, prêchait le jihad, pour ne pas dire la lutte armée contre les «mécréants ».
La maman désespérée dit s’être elle-même rendue au Canada pour faire revenir son fils à la raison, mais que ce dernier ne voulait rien entendre.
Et c’est en désespoir de cause qu’elle s’est rendue, à son retour à Dakar, à la Dic pour «arrêter » son fils avant qu’il ne fasse une bêtise.
Des transferts d’argent suspects
De ce fait, elle donnera une information précieuse aux enquêteurs : son fils aurait été recruté par le nommé Atoumane Sow pour le compte d’un certain Shamin Abdoul qui aurait même financé le voyage de son fils. Cette déposition en main, les éléments de la Dic signale aussitôt Assane Kamara aux policiers de l’aéroport qui le mettent sur la fameuse liste de surveillance du système Sécuriport. Une démarche qui se révèle payante puisque Assane Kamara est revenu à Dakar dans la nuit du 21 au 22 janvier 2016. Il est accueilli à Dakar par un de ses amis, P.Y.N’diaye.
Les enquêteurs de la Dic le filent pendant un moment, jusqu’à ce qu’il entre et ressorte de chez lui, à Sacré Cœur II, avant de l’intercepter et de le conduire à leur siège, sis à Rue Carde. Aussi, Assane Kamara est informé de son placement en garde à vue dans le cadre d’une enquête pour terrorisme. Dans un premier temps, les enquêteurs de la Dic l’informent qu’ils vont effectuer, en sa compagnie, une perquisition dans sa chambre.
Un pamphlet contre les confréries retrouvé dans sa chambre
Un transport qui s’est révélé fructueux. Dans la chambre de Assane Kamara, les enquêteurs trouvent un exemple du Coran, un billet Dakar-Tunis au nom du mis en cause présumé, un numéro de compte à la Banque islamique et un transfert d’argent par virement effectué par le nommé Harris Katich.
Plus grave encore, la Dic met la main sur une série de pamphlets contre les confréries religieuses, mais aussi des pratiques comme la visite des morts aux cimetières. Interrogé par les enquêteurs, Assane Kamara nie être un terroriste, mais avoue avoir fréquenté des affidés des Frères musulmans qu’il a connus à la mosquée de l’Association des musulmans de Sherbrooke.
Il reconnaît s’est rendu en Tunisie, mais jure que c’était pour rencontrer un certain Waffi qu’il aurait connu à l’université. Il ne savait sans doute pas que les enquêteurs de la Dic avait découvert que le virement en question lui a été envoyé, depuis l’Algérie, par un jihadiste dont le nom de guerre est Abou Zayid.
Face à cet élément de preuve, Assane Kamara a reconnu l’existence de ce virement, mais jure que l’argent a été envoyé dans le compte de son ami Atoumane Sow qui l’aurait détourné. Une déclaration qui confirme la déposition faite par sa mère à la Dic. Les enquêteurs découvriront plus tard plusieurs virements effectués en faveur de Assane Kamara par un certain Samir Halilovic.
Un imam de Liberté VI interrogé comme témoin
Entre temps, Atoumane Sow a été cueilli par les enquêteurs, tout comme P.Y.Ndiaye contre qui aucune charge n’a été retenue. En effet, P.Y.Ndiaye a affirmé avoir connu Assane Kamara dans une mosquée à Liberté VI Extension. Il ajoute qu’avec leurs amis A.Fall et A.Seck ils parlaient beaucoup de religion. N’empêche, il a précisé n’avoir jamais été au courant des liaisons dangereuses de Assane Kamara. L’imam de la mosquée, M.Bâ, a été aussi interrogé comme témoin. Il a confié dans sa déposition qu’Assane Kamara était à un moment donné le muezzin dans ladite mosquée.