Le Sénégal vient d’avoir son premier manuel de philosophie écrit par Alpha Amadou Sy. L’ouvrage présenté, samedi dernier, à Harmattan Sénégal, est perçu comme une boussole pour les apprenants et enseignants dans un contexte de débat autour de l’apprentissage et de l’enseignement de la philosophie. «On a relevé beaucoup de difficultés au niveau de l’enseignement de la philosophie. Je me suis proposé d’offrir un support didactique aux candidats au bac, professeurs de philosophie, citoyens lambda afin d’apprendre à se questionner et se positionner», explique Alpha Amadou Sy, lors de la présentation de son manuel de plus de 150 pages, non préfacé et édité par Harmattan Sénégal.
A en croire M. Sy, le livre «Un pas dans l’univers de la philo: manuel à l’usage des candidats au bac et des professeurs de philo» se propose d’expliciter les notions clés en philosophie. L’objectif est d’être une initiation à la philosophie et que le manuel prend naissance à partir de la prise de conscience des difficultés comme le déficit d’enseignants de philosophie. «Ce manuel est pour l’élève un pas dans l’univers de la philosophie», soutient le doyen Mamoussé Diagne. Pour Mamadou Kabir Gano, chef de département à la Fastef, c’est le premier manuel de philosophie car les auteurs publient souvent des recueils. Cet ouvrage est, selon lui, une sorte de boussole. M. Gano ajoute que l’auteur pose par ailleurs le problème de la formation des professeurs de philosophie et d’adaptation de la philosophie dans le contexte ou on s’interroge comment philosopher. Pour lui, ce manuel reflète la quête d‘un programme. A en croire M. Gano, il y a une contextualisation nécessaire des enseignements dans les lycées. «On voit les choses de façon dogmatique. Il faut acclimater les élèves à l’objection. Tout notre environnement cultuel nous empêche d’être philosophe», philosophe-t-il. Mamadou Mbodj, modérateur de la cérémonie de présentation, avance que ce manuel est une manière d’africaniser l’enseignement de la philosophie. Dans sa présentation, il soutient que l’ouvrage comporte deux parties: une première dédiée aux cours, une seconde relative à une prise de position sur des sujets philosophiques. Seydou Madani Sy, juriste de profession voit l’ouvrage comme une vision des problèmes qui se posent au Sénégal en termes d’enseignement de la philosophie. Selon les participants, il est temps de demander si la philosophie doit servir les théories ou les valeurs. Ils s’accordent néanmoins que philosopher, c’est amener l’élève à discuter. Mais une discussion qui est vraisemblablement freinée par la langue de travail au point qu’une participante suggère l’idée de commencer les cours de philosophie en langues locales ; car elle estime que ce qui freine les élèves, ce sont les terminologies. Mais pour le chef de département philosophie à la Fastef, M. Gano, l’enseignement requiert que les élèves aient une culture de la lecture. «On ne peut pas philosopher dans le vide. On philosophe sur la base des connaissances acquises à l’école ou de la maitrise des connaissances de la culture dans laquelle on baigne. Ça veut dire que si on parle mal Ouolof, meme si on philosophait en Ouolof, on ne comprendrait rien du tout. C’est une question d’appropriation des éléments de culture dans lequel on baigne». Pour M. Gano, il y a un effort de compréhension des langues. «Les langues locales sont créolisées. Les élèves ne comprennent pas leur propre langue. Ce n’est pas parce qu’on philosophe en ouolof que les gens comprennent», martèle-t-il. Formateur au Crfpe de Saint-Louis, Alpha Amadou Sy est un essayiste reconnu à travers plusieurs ouvrages parmi lesquels «L’imaginaire saint-louisien à l’épreuve du temps» (2009), «l’Afrique et le défi républicain. Une lecture des élections sénégalaises de mars 2009», «Le 23 juin au Sénégal ou la souveraineté requise», «Les élections présidentielles de mars 2012 au Sénégal, le triomphe de la volonté populaire» (2013), énumère l’Aps.
Emile DASYLVA