Au centre-ville de Dakar, pendant les heures de pointe, ils sont nombreux ces propriétaires de véhicules particuliers qui embarquent des passagers moyennant quelques billets de banque. Un business qui leur permet de gagner beaucoup d’argent même s’ils justifient que le travail est motivé pour régler le problème du carburant.
Centre-ville de Dakar. Il est 18h 05mn. La ville se vide petit à petit de ses occupants. Devant les grands magasins et autres cantines et boutiques, les rideaux commencent à tomber. Jadis occupés toute la journée par des vendeurs à la sauvette, les trottoirs se libèrent de leurs encombrements. Des marchands ambulants à l’affût tentent d’intercepter les derniers clients en proposant des articles. Mais difficile de retenir certains passants surtout ceux qui habitent loin qui sont pressés de rentrer.
Sacs en bandoulière, ils pressent le pas en direction des arrêts de bus ou gares pour chercher un moyen de transport afin de pouvoir regagner leur domicile le plus rapidement possible. Tandis que ceux qui résident dans les quartiers non loin de la ville, comme Médina et Fass-Colobane, la pression est moindre. Certains d’entre eux profitent de leur temps libre pour tirer quelques articles de la friperie, des habits prêts à porter avant de prendre la direction des arrêts bus ou les gares de fortunes. Les rayons du soleil se sont déjà dissipés. Une fraicheur commence à envahir la ville.
A la Place de l’Indépendance, se forme une longue file de véhicules particuliers, de bus de transport urbain et taxis qui prennent la direction de la banlieue et les autres quartiers de Dakar. La circulation avance à pas de tortue. Les chauffeurs les plus pressés tentent de chercher des raccourcis, d’autres coincés dans les embouteillages sont contraints de prendre leur mal en patience. Sur la station d’essence qui fait face à la voie qui mène au Port autonome de Dakar, des passagers font la queue devant une petite gare de «taxis clandos». Et un peu plus loin, des véhicules particuliers communément appelés «taxi boko», prennent des clients. Assis confortablement dans son véhicule 4X4 bleu, garé à quelques mètres de la mairie de Dakar, Mansour Pène aborde discrètement les passants pour éviter de se faire remarquer par les chauffeurs et le policier en faction devant l’hôtel de ville. «Monsieur, vous allez où ? A Pikine…», lance-t-il, à un jeune homme habillé d’un ensemble costume beige assorti d’une cravate et des souliers noirs. «Oui, je rentre à Pikine», répond ce dernier. Puis après quelques négociations sur le tarif de la course, le marché est conclu, le gars monte et prend place au niveau de la chaise arrière.
Mansour Pène n’est pas à son coup d’essai. Chaque jour, aux heures de pointe, avec son propre véhicule, ce conseiller juridique dans une entreprise privée de Btp embarque des clients en échange de quelques billets de banque. Un business qui lui permet de payer le carburant, dit-il, sans puiser dans sa poche. «Vous savez les temps sont durs. La vie devient de plus en plus cher à Dakar. La location coûte cher, sans compter les denrées de consommation courante. Même si vous avez un bon salaire, c’est très difficile de joindre les deux bouts surtout si vous avez une famille à nourrir, à vêtir et à soigner. Donc pour s’en sortir, il faut parfois faire de petits business comme celui-ci pour pouvoir payer le carburant», soutient Mansour Pène, la cinquantaine révolue.
17 500 francs Cfa par voyage
Pour le tarif, le prix varie selon la distance parcourue sans sortir bien entendu son itinéraire, précise-t-il. Avec 7 clients qui rentrent tous à Pikine, chaque jour, Mansour peut empocher 17 500 francs Cfa soit 2 500 F Cfa par client.
Au niveau de la Corniche Ouest, en face du Palais de justice de Dakar, des gens en tenue de sport font leur jogging le long du littoral. A côté de l’arrêt des bus de transport urbain, des clients guettent d’éventuels moyens de transport. Les bus de transport se font désirer. L’attente devient de plus en plus longue. Certains d’entre eux tentent de stopper les particuliers qui les dépassent à vive allure. Un peu plus loin, un véhicule particulier garé à 100 mètres attire notre attention. Matar Kébé, habillé en chemise, pantalon super cent assorti, propriétaire, le dos adossé sur le portière, le téléphone collé à l’oreille droite discute au bout du fil. Agent payeur dans une banque de la place, résident à Ouest Foire, Matar propose aux clients la course à 1 500 F Cfa.
«Chaque jour je viens avec mon véhicule au boulot tout seul. Et je rentre aussi vide. A un moment, je me suis dit pourquoi pas à la descente prendre quelques clients qui rentrent à Ouest Foire et leur faire payer 1 500 F Cfa par personne. Et depuis lors, je le fais chaque jour. Il y a des clients qui viennent même maintenant m’attendre, ici, à la descente pour que je puisse les ramener», partage Matar Kébé. «De Dakar à Ouest Foire, c’est 1 500 francs Cfa, on ne peut pas avoir mieux que ça. Imaginez si c’était un taxi, le chauffeur va vous réclamer 3 mille francs Cfa surtout pendant les heures de pointe», confie, la cliente, Fanta Mboup.
Samba BARRY