L’espoir d’une paix définitive en Casamance est tempéré par un regain de tensions dans la zone des palmiers, selon les propos de Nouha CISSÉ, spécialiste du conflit casamançais, lors d’un entretien accordé à la RFM.
L’expert a souligné que l’enthousiasme initial suscité par la signature d’accords avec une seule des quatre factions du Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance (MFDC), conjuguée à l’incinération d’armes et à la neutralisation de mines, pourrait s’avérer prématuré.
« Il me semble qu’on est allé trop vite en besogne », a déclaré M. CISSÉ, insistant sur le fait que la paix véritable nécessite une implication profonde non seulement des combattants de toutes les factions, mais également des communautés locales.
Selon lui, une approche se limitant aux aspects militaires et au dépôt des armes risque de conduire à une impasse si un travail d’inclusion significatif n’est pas entrepris.
Crainte d’une reprise des hostilités si des efforts substantiels ne sont pas déployés
M. Cissé a noté que si le nouveau gouvernement sénégalais a mis en place le « plan Diomaye pour la Casamance », certains acteurs semblent avoir été « royalement ignorés » dans ce processus depuis l’arrivée des nouvelles autorités.
Illustrant ses propos, il a évoqué la situation dans la zone de Djignaky, touchée par de récents incidents consécutifs à une opération de ratissage.
« Dans cette zone des palmiers, où se situait le front de Diakaye, coexistent les fronts de Paul Aloukassine et de Salif Sadio », a-t-il fait savoir.
Alors que le premier a déposé les armes, les deux autres restent actifs, soulevant la crainte d’une reprise des hostilités « si des efforts substantiels ne sont pas déployés pour les intégrer à la table des négociations ».
« On a donné le sentiment que tout est fait, que la guerre est maintenant derrière nous », a déploré Nouha CISSÉ, rappelant que la consolidation de la paix est une entreprise de longue haleine qui requiert l’implication des combattants et des populations dans toutes les zones concernées.
Il a plaidé pour une extension du processus de signature d’accords à toutes les factions, en particulier celles voisines de la faction de Diakaye, soulignant que le travail est loin d’être achevé.
Concernant les autres factions, M. Cissé a apporté des éclaircissements.
« Le groupe de Paul Aloukassine est actuellement en pourparlers à Bissau, bien que les négociations ne soient pas encore finalisées », a-t-il souligné.
Intégrer toutes les factions du MFDC dans les négociations
Quant à Salif SADIO, il représente un « grand point d’interrogation », d’autant plus que le ratissage entrepris contre son front a entraîné la dispersion de ses combattants et rendu l’accès à leur chef extrêmement difficile, complexifiant toute perspective de négociation.
Interrogé sur le récent déplacement du Premier ministre Ousmane SONKO en Guinée-Bissau, Nouha CISSÉ a estimé que cette visite s’inscrivait dans la continuité des efforts de négociation avec le groupe d’Atoute Badiatte, qui avait déjà signé des accords de dépôt d’armes en 2023.
« Bien que la rencontre à Bissau ait pu encourager les parties à approfondir le dialogue, aucun accord majeur n’a été conclu pour renforcer les engagements antérieurs », a-t-il souligné.
Il appelle à une approche plus inclusive et à une intensification des efforts diplomatiques pour intégrer toutes les factions du MFDC dans les négociations, soulignant que les risques de résurgence du conflit demeurent bien présents si ces défis ne sont pas relevés avec détermination.
Liboire SAGNA