Près de 50 millions d’Africains pourraient basculer dans l’extrême pauvreté en raison des conséquences économiques de l’épidémie de coronavirus, estime la Banque africaine de développement (BAD) dans un rapport publié mardi 7 juillet.
Alors que les prévisions tablaient qu’un tiers des Africains, soit 425 millions de personnes, vivent sous le seuil de pauvreté (avec moins de 1,90 dollar par jour en parité de pouvoir d’achat) en 2020, l’impact de la pandémie devrait largement aggraver la situation, estime la BAD dans ses “Perspectives économiques en Afrique”.
L’Afrique est -après l’Océanie- le continent le moins touché par la pandémie de Covid-19, avec près de 500.000 cas, dont près de 11.700 morts, selon un décompte de l’AFP au 7 juillet. Néanmoins le continent est touché de plein fouet par la crise économique mondiale entraînée par l’épidémie.
“Entre 28,2 et 49,2 millions d’Africains pourraient basculer dans l’extrême pauvreté” cette année et l’année prochaine, selon les scénarios “de base” ou “pessimiste” de la BAD, suivant la durée et l’ampleur de la récession économique.
L’institution africaine de développement, basée à Abidjan, anticipe une importante récession économique pour le continent, avec une contraction du PIB de 1,7% à 3,4% cette année. Soit une perte de 5,6 à 7,3 points par rapport aux prévisions de croissance avant la crise du Covid-19, qui étaient largement positives.
Le Fonds monétaire international (FMI) avait évoqué fin juin une récession de 3,2% cette année pour l’Afrique subsaharienne, et une baisse des revenus des habitants à leurs niveaux de 2010.
Selon la BAD, entre 24,6 et 30 millions d’emplois seront perdus cette année.
C’est le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique avec 200 millions d’habitants, qui devrait voir s’accroître le plus la pauvreté. Entre 8,5 et 11,5 millions de Nigérians devaient tomber dans l’extrême pauvreté en 2020, dans ce pays très dépendant de son secteur pétrolier durement touché par la crise économique mondiale et la chute des prix de l’or noir.
Quatrième pays le plus peuplé d’Afrique avec 90 millions d’habitants, la République démocratique du Congo (RDC) pourrait voir tomber dans l’extrême pauvreté 2,7 à 3,4 millions de personnes, alors que ce pays d’Afrique centrale compte déjà 72% d’habitants vivant sous le seuil de 1,90 dollar par jour.
L’économie de la RDC pâtit de sa dépendance aux exportations de minerais, dont les prix ont chuté sur les marchés mondiaux.
Outre les économies basées sur les matières premières, celles dépendant du tourisme (secteur qui représente 8,5% du PIB du continent) seront aussi durement touchées, tandis que les économies diversifiées seront logiquement plus résilientes, note la BAD.
Ainsi la récession en 2020 devrait toucher quatre des cinq plus grandes économies d’Afrique: l’Afrique du Sud (-6,3% à -7,5% suivant le scénario de base ou pessimiste), le Nigeria (-4,4% à 7,2%), l’Algérie (-4,4% à -5,4%) et le Maroc (-3,3% à -4,6%) tandis que l’Egypte, à l’économie plus diversifiée, devrait conserver une croissance positive (+2,2% à +0,8%).
Des puissances économiques moyennes, aux économies relativement diversifiées, devraient rester dans le vert: Ethiopie (+3,6% à +2,6%), Kenya (+1,4% à +0,6%), Côte d’Ivoire (+3% à +1,5%), Sénégal (+2,8% à +0,1%).
La crise du coronavirus fait aussi peser un risque accru sur les dettes publiques des pays africains, relève la BAD.
Pour limiter les conséquences socio-économiques de la crise, de nombreux pays africains ont en effet annoncé d’importants plans de relance budgétaire, allant jusqu’à 10% du PIB en Afrique du Sud.
Conséquence, les déficits budgétaires “devraient doubler” sur le continent, pour atteindre 8 à 9% du PIB, alors que “de nombreux pays africains ont abordé cette crise avec des ratios dette-PIB élevés”. La crise du Covid-19 “renforce la probabilité d’une crise généralisée et profonde de la dette souveraine”, s’inquiète la BAD.
AFP