Parents, élèves et professeurs ont fêté, hier, le mardi gras dans la convivialité. Mais tous n’ont pas pris part pour des raisons religieuses.
Les premiers déguisements, remarqués le matin d’hier rappellent le Mardi gras. A Dakar, chaque école a son Shrove Tuesday. C’est du moins le constat fait dans les quelques établissements visités. À quelques foulées de WalFadjri, l’école élémentaire Derklé 3 ouvre ses portails pour laisser découvrir une cour sablonneuse, pilonnée d’argousiers. Ici, rien ne signale une ambiance de fête. Il n’y a pas l’ombre d’un déguisement dans la cour de l’institution où sautillent des élèves. Pourtant, cet établissement a bien la tradition de la fête des déguisements, confie Lamine Mané, le directeur. Mais cette année, l’agenda a changé : le contexte de la visite inopinée des inspecteurs est passé par là. En effet, les enseignants sont comme assis sur des braises. L’heure n’est pas à la rigolade. C’est la raison pour laquelle, le carnaval est remis pour l’après-midi.
Plus loin, à Castors, l’école privée Khadim Rassoul est pongée dans l’ambiance. La musique lourde qui s’échappe des fenêtres en barres verticales, colorées marron, ébruite la solennité. A l’entrée, derrière la réception, on peut admirer un grand portrait du guide mouride, Cheikh Ahmadou Bamba, sur un mur, un dessin de Kocc Barma, le sage, tenant une tablette coranique. On semble plus être dans une école d’obédience religieuse. Loin de là. Ici, le Mardi gras se fête en grandes pompes avec des tournées en calèche…En effet, tout est organisé avec l’autorisation des parents. Des lettres leur sont envoyées. Libre aux tuteurs de se joindre à l’ambiance. La fête du déguisement est en effet devenue un rendez-vous dans l’agenda scolaire. Selon des responsables approchés, «on considère cela comme un moyen d’épanouissement pour les enfants».
Au niveau de Derklé, quartier voisin, précisément à l’école publique Amadou Ibrahima Seck A, une cour déserte s’offre dès qu’on franchit le seuil relevé de l’établissement. Il y a un calme plat qui en dit long. «On n’a pas l’habitude de fêter le Mardi gras», confie la directrice Safiétou Sembène, trouvée les doigts sur le clavier. Pour elle, l’heure est au travail. De l’avis de Mme Sembène, dirigeante de l’institution depuis 2012, son école publique n’a pas fêté. A son insu, il y en a qui s’en donnent à cœur joie. En réalité, ce qui reste le plus partagé, c’est que c’est le privé catholique qui fête le Mardi gras.
De retour à Castors, à «La maison de la sagesse», établissement islamique d’enseignement général, les élèves ont les yeux rivés au tableau. Ici, on semble ne pas célébrer le Mardi gras. Par prudence, le personnel nous renvoie au directeur. Joint au téléphone, M. Loum tranche : «On ne fête pas le Mardi gras, ni nos élèves. C’est une fête religieuse.» Mais plus loin, au nez et à la barbe de la direction, ça se fête à grande pompe. C’est le cas à Dieuppeul, à l’école élémentaire Ibrahima Koité. Des parents croisent notre chemin. Il ne faut pas être grand sorcier pour deviner. «Ça fait partie de la pédagogie. Les enfants apprennent mieux quand ils jouent», confie un papa tenant sa fille, rencontré à la sorte de l’école en fin d’après-midi. Il rapporte que parents, élèves et professeurs ont partagé la journée ensemble. Pendant que les établissements franco-arabe, du moins ceux visités, se sont barricadés.
Emile DASYLVA