Les banques sénégalaises sont en train de procéder, petit à petit, à la fermeture de nombreuses agences au détriment de leur clientèle. Elles chercheraient sans doute à passer au digital en catimini sans dévoiler leur stratégie sur la sécurité et la préservation de leurs emplois.
Le modèle bancaire classique à rude épreuve. Leurs positions de rentier et de monopole menacées par la révolution digitale. Ainsi, les activités financières jusque-là réservées aux institutions traditionnelles ont passé le cap de la digitalisation. Cela, avec l’arrivée des structures spécialisées dans le numérique qui développent des solutions bancaires sur mobile, comme PayPal ou encore Orange Money, Tigo Cash, E–money, Wari, etc. Des solutions dopées par la démocratisation du smartphone. Et ces dernières sont en train de concurrencer les établissements financiers traditionnels qui perdent des parts de marché. Une situation qui n’est pas sans conséquences sur le modèle bancaire sénégalais. Parce que, certains groupes ont déjà commencé à supprimer des agences de leur réseau dans différents quartiers de Dakar, notamment. Comme pour dire qu’elles ont décidé de ne pas rater le train de la digitalisation. En effet, les banques sont en train de revoir leurs process internes et de recourir aux possibilités de l’utilisation des datas pour le marketing client et la gestion des risques. Mais aussi, de réduire considérablement leurs charges. Cependant, cette fermeture d’agences n’est pas sans conséquence sur les emplois alors que le taux de bancarisation reste encore faible dans le pays, 15 % en 2015.
Au Sénégal, deux groupes sont très avancés dans le processus. Un tour dans la capitale, permet de constater le phénomène. Seulement, de nombreux clients ne comprennent pas. Parce que, n’ayant pas été informés de la décision de fermeture, même si les banques ont souvent envoyé des Sms pour aviser les clients ayant domiciliés leur compte dans ces agences. C’est le cas d’Ibrahima Guèye, client d’une banque de la place, il dit n’être pas informé à temps de la fermeture de son agence. «Je n’ai pas été informé de la décision. Je ne savais pas. Ce n’est pas normal qu’on ferme une agence sans informer les usagers», se plaint-il. Non sans dénoncer le mutisme des autorités bancaires sur cette nouvelle tendance qui n’est pas sans conséquence sur les clients.
En réalité, les banques veulent faire face aux structures qui se spécialisent dans les technologies financières. Ainsi, pour survivre, elles ne veulent plus se contenter des simples services via sms ou encore la simple consultation du solde via le site internet de l’institution bancaire. Les banques souhaitent répondre aux attentes d’une certaine catégorie de clientèle. Celle qui exige des solutions permettant de réduire les contraintes de temps et de gérer leur compte en toute simplicité et sécurité. Mais de nombreux clients craignent pour leur argent. «Il y a trop de risques avec la banque numérique. Nous ne savons pas si les banques ont pris des mesures idoines pour mieux garder notre argent. Sur certaines plateformes numériques, nous avons noté des cas de vol. Donc, il faut que les banques donnent des garanties et des assurances», plaide l’usager Moussa Sèye. Lequel dit ignorer ce que ce changement lui réserve. Car, relève-t-il, le monde n’est plus sûr et le numérique l’est encore moins. «Chaque jour, nous assistons à des cyberattaques dans les pays développés. Donc, dans nos pays, c’est un gros risque pour les clients qui confient leur argent aux banques», a-t-il ajouté.
Par contre, d’autres s’inquiètent de l’avenir des employés de banque. Parce que, cette transition digitale rime avec des pertes d’emplois en masse dans le secteur. Même s’ils ne sont pas nombreux à se prononcer sur la question, des agents craignent pour leurs postes là où d’autres espèrent un plan pour les salariés qui devront être remerciés par les banques. «Avec le Mobile banking, nous assistons à une révolution des métiers de la banque à l’ère du digital. Donc, c’est tout à fait normal qu’on assiste à des pertes d’emplois dans le secteur. Cependant, l’Etat doit veiller à ce que les banques prennent des mesures pour éviter un drame social», insiste de son côté, un agent dans une banque de la place sous l’anonymat. A l’en croire, il fallait prévoir cette révolution avec l’arrivée du numérique. «C’est une évolution logique du service bancaire. Il faut maintenant un mécanisme d’accompagnement des travailleurs. Trouver d’autres créneaux pour qu’ils ne perdent pas leurs emplois», a-t-il plaidé.
Du côté des banques, c’est le silence radio. Aucun responsable ne veut expliquer les mesures prises pour accompagner les agents qui risquent de perdre leur boulot, mais aussi pour sécuriser le bien de la clientèle.
Adama COULIBALY