Les difficultés financières de l’Etat refont surface. Et ce sont les entreprises sénégalaises qui font surtout les frais. Plusieurs sources dans le secteur privé et aux Finances s’accordent sur la recomposition inquiétante de la dette intérieure surtout. Laquelle est estimée par les plus prudents à 500 milliards de francs Cfa alors que pour d’autres elle frôle 1 000 milliards.
La dette aux entreprises se creuse gravement. Malgré un budget qui atteint 4 071 milliards de francs Cfa et des promesses ahurissantes de la communauté des bailleurs de fonds lors du dernier Groupe consultatif de Paris en décembre 2018, l’Etat du Sénégal est, 4 mois après l’élection présidentielle, dans l’incapacité d’honorer la dette intérieure. En effet, le service de la dette est aujourd’hui asphyxié par les exigences du remboursement de la dette publique auprès des partenaires extérieurs mais également vis-à-vis des entreprises locales. Pour ces dernières, un peu plus de 500 milliards de francs Cfa leur sont dus là où d’autres avancent même 1 000 milliards.
Selon de hauts responsables du patronnât sénégalais, cette dette intérieure a fini par dépasser le seuil alarmant et impacte sérieusement l’activité économique. «Le secteur privé est en train de faire une autre évaluation de cette dette qui est train de plomber toutes les entreprises. Et aux premières évaluations non terminées, elle dépasse largement 500 milliards de francs Cfa. C’est énorme et elle est mortelle, excessive. Beaucoup d’entreprises vont fermer si l’Etat ne la paie pas», confie un membre du secteur privé. Qui estime que cette dette intérieure a des conséquences sur la marche des entreprises et peut fortement impacter les performances économiques du pays.
Mais ce qui est plus effrayant pour le secteur privé, c’est l’absence de perspectives de l’Etat pour la résorber. Le ministre des Finances et du Budget, Abdoulaye Daouda Diallo est rentré, avant-hier, de Tokyo et cela n’a pas été génial. Etant forcément obligé de passer par Paris, car il n’y a pas de vol Dakar-Tokyo, on aimerait bien savoir s’il a ramené quelque chose de chez nos cousins gaulois. En tout état de cause, cette dette émergente rend la chose encore beaucoup plus inquiétante. Car, ce cercle vicieux de l’endettement depuis 7 ans amène l’Etat à resserrer l’étau fiscal principalement autour de ces mêmes entreprises, accentuant ainsi leurs difficultés. Les contrôles tous azimuts en cours, déclenchés simultanément par la Dgid et la Douane, en sont un aspect. Pourtant, ces régies financières semblent perdre de vue que depuis 2012, la plupart des entreprises ont été déjà soumises à des régimes restrictifs sur les prix (homologation, blocages temporaires), limitant ainsi significativement leurs capacités d’autofinancement pour maintenir l’activité ou assurer le renouvellement du matériel de production.
Les derniers épisodes des cimentiers qui, sous l’effet du blocage des prix ont perdu toutes capacités d’autofinancement, ont amené les pouvoirs publics à reconsidérer leurs options. Cela, en desserrant pour tant soit peu l’étau du blocage des prix. Et aujourd’hui, tous les autres secteurs ont besoin de ce retour à l’orthodoxie économique qui libère l’investissement créateur de plus-value pour les finances publiques et d’emplois pour les jeunes sénégalais qui en ont tant besoin.
Pour donner de l’oxygène aux entreprises, l’Etat doit faire plus que manifester la bonne volonté comme celle récemment transmise au secteur privé par le ministre de l’Economie, de la Coopération et du Plan, Amadou Hott, qui avait lui promis qu’il a reçu des instructions pour l’éponger au plus vite. «Si on mettait la même rigueur dans le paiement de la dette extérieur, il n’y a aurait pas de problème. Mais, c’est loin d’être le même traitement. On doit même trouver des instruments de compensassions. Parce que l’Etat central ne peut pas nous devoir de l’argent et que d’autres services nous bousculent à côté des banques», commente un autre membre du patronat joint par WalfQuotidien. Non sans regretter que ce sont les pauvres travailleurs qui risquent de trinquer et de payer des pots qu’ils n’ont pas cassé dans les arrêts de chantiers pour certains. Car, nous dit-on, ce sont les secteurs du Bâtiment et travaux publics (Bpt) et secteur pétrolier qui sont les plus touchés par ces problèmes de trésorerie qui poussent l’Etat au bonneteau budgétaire. Mais de façon générale, tous les gens qui contractent avec l’Etat ont des problèmes pour rentrer dans leurs fonds.
Seyni DIOP