C’est paradoxal mais le fait est là : Wade, sans le savoir, balise la voie à Macky Sall. C’est ce dernier qui, en définitive, devrait tirer profit d’une absence de consigne du patron des libéraux qui, sauf changement, est dans une logique de non-alignement.
Abdoulaye Wade a choisi de ne pas choisir. Des rumeurs, jusque-là non démenties par les plus hautes instances du Pds, accréditent la thèse du «ni-ni». Et, hier, invitée de Rfm Matin, Nafissatou Diallo, membre du Comité directeur du Pds, a déclaré que, pour la formation libérale, il n’est pas question de soutenir un candidat, qui qu’il puisse être. Pour Mme Diallo, le Pds reste sur sa ligne de départ : que son candidat reste Karim Wade ; qu’il n’est nullement question de participer à une élection à laquelle ce dernier ne participe pas et que, enfin, une élection à laquelle ce dernier ne participe pas ne saurait se tenir au Sénégal. Me Wade, lui-même, dans une vidéo diffusée hier n’a donné aucune consigne de vote. Il s’est limité à rappeler ce que tout le monde savait : que son parti compte s’opposer à la tenue d’une Présidentielle sans la mise en place des conditions qu’il a exigées de Macky Sall. Mieux, il a mis en garde les quatre challengers du Président sortant contre toute attitude pleurnicharde face à des résultats qu’il considère préfabriqués.
Seulement, l’état actuel des rapports de force n’est pas favorable à cette position extrême. Les principaux recalés du parrainage ne sont plus dans la même logique que le Pape du Sopi. La majorité a rallié le camp de Idrissa Seck qui est sur les routes. Madické Niang, Issa Sall et Ousmane Sonko sillonnent le pays profond pour convaincre les populations de voter pour eux. Tandis que Aïda Mbodj et Aïssata Tall Sall ont, pour la première, décidé de s’abstenir de tout soutien et, pour la seconde, de rouler pour le candidat du pouvoir. La seule inconnue demeure Khalifa Sall dont le porte-parole, Moussa Taye, a, hier, signifié que son mentor, tout en consultant les acteurs politiques, attend le verdict de la Cour de justice de la Cedeao, le 7 février, pour adopter une position définitive. C’est donc une lapalissade de dire qu’ils ne sont plus dans le tempo de l’ancien Président. Pour autant, Wade ne désarme pas. Il compte user de toutes les cartes pour, à tout le moins, peser de tout son poids dans cette élection où sa position est attendue. Sa demeure de Versailles abrite un ballet incessant d’hommes politiques de tous bords. La semaine dernière, Oumar Sarr, Pape Diop et Mamadou Diop «Decroix» y ont fait le pied de grue dans l’espoir de décrocher une bénédiction salvatrice en faveur de leur soutien, Idrissa Seck. Avant-hier, Malick Gakou, un autre allié du président de Rewmi, a fait un aller-retour sur Versailles dans le but ultime de convaincre Wade de soutenir Idrissa Seck. D’autres missi dominici rôdent autour de sa demeure de la région parisienne espérant l’amener à de meilleurs sentiments. Leur argument-massue, développé auprès de Wade, c’est que son soutien pourrait amener Macky Sall en ballotage défavorable donc, inéluctablement, au second tour. Mais, jusque-là, l’ancien Président demeure intraitable.
Avant-hier, était annoncée une déclaration de Wade pour lundi, à 15 heures. A la place, on aura eu droit à quelques infos «volées», desquelles il suinte que le patron des libéraux qui, en principe, débarque à Diass demain, a choisi de ne choisir personne parmi les candidats. Même si, au même moment, il est dit que Wade a biffé de sa grille de choix les noms de Macky Sall et Madické Niang. Dans sa vidéo diffusée hier, il n’évoque nullement la question des soutiens.
Seulement, l’attitude de Wade pourrait s’interpréter, paradoxalement, comme un soutien implicite à Macky Sall. En effet, s’il voulait abréger le règne du Président sortant, Wade devrait, dans la pure logique, choisir -Madické et Macky étant out– entre Idrissa Seck et Ousmane Sonko. Ne pas choisir, de sa part, équivaut à un boycott de l’élection par ces nombreux Sénégalais qui croient en lui et disperserait les forces du Pds dont certains, comme Babacar Gaye, ont dit à qui voulait les entendre que leur fédération s’alignerait derrière Idrissa Seck ou Madické Niang. L’un dans l’autre, c’est le pouvoir sortant qui devrait tirer avantage de l’attitude passive du Pape du Sopi et du Pds.
Ibrahima ANNE