CHRONIQUE DE WATHIELe président SALL, déterminé à se faire réélire, quel que soit ce que cela coûte à la démocratie sénégalaise, a tiré de son chapeau un autre tour qui risque de dérouter opposants et observateurs. Face aux premiers dont les raisons de la radicalisation exacerbée sont à chercher dans les deux PP (Parrainage et prison), le leader de l’APR pourra toujours compter sur un mastodonte aux yeux des étrangers pour crédibiliser une élection dont l’issue sera forcément contestée. Le technocrate, au crépuscule d’une carrière riche en couleur, même inconnu de la plupart des Sénégalais, est en passe d’être l’homme du 24 février prochain.
A l’annonce de sa candidature à la prochaine présidentielle, ceux qui n’ont pas cru à un possible poisson d’avril se sont vite écriés «c’est le Plan B du Parti démocratique sénégalais (PDS) ». Il a fallu de véhémentes dénégations de Haguibou SOUMARE pour botter en touche l’idée de cette affiliation qu’aucune des parties ne veut. Ainsi, refusant d’être le cheval de Troie d’une formation politique qui a déjà désigné son candidat, l’ancien Premier ministre prend date et annonce solennellement sa candidature. Dans un Grand théâtre plein comme un œuf, n’allez pas croire que c’est lui qui l’a rempli, Haguibou SOUMARE engage la bataille de 2019. Et si c’était pour cette bataille qu’il a démissionné en 2016 pour «convenance personnelle» de la tête de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) ? « Nous nous dirigeons dans les prochains mois vers des échéances électorales qui donnent l’opportunité aux compatriotes de tous bords d’impulser le changement, de reprendre les rênes de notre pays pour qu’enfin le pouvoir soit exercé par le peuple et pour le peuple. C’est pourquoi je suis candidat à la présidence la République du Sénégal. (…) Je prends mes responsabilités en toute indépendance », dit-il. Seulement, malgré la véhémence de son discours, bien écrit mal lu, beaucoup continuent de lui contester le dernier mot de sa dernière phrase : « indépendance ». Pour le ministre-conseiller en charge de la communication de la présidence de la République, Haguibou SOUMARE n’est pas le plan B du PDS, mais plutôt un pion de Karim WADE. Même si El Hadji Hamidou KASSE s’est gardé de dire lesquels, il a déclaré tout haut qu’« il y a des indices » prouvant que l’ancien Premier ministre est un cheval de Troie.
En homme du sérail, le chargé de la Communication du Palais montre la direction, là où il faut regarder pour situer Haguibou SOUMARE. Et, si l’indépendance de sa candidature est remise en cause, c’est parce que le monsieur est arrivé comme un cheveu sur la soupe. Pour s’en rendre compte, il suffit de comprendre pourquoi il a été nommé à la tête du gouvernement en juin 2007. Me Abdoulaye WADE, qui venait d’être réélu à la tête de l’Etat, avait largement remporté les législatives élections législatives du 3 juin 2007 boycottées par l’opposition. Macky SALL, qui a été durant les deux élections son directeur de campagne, est envoyé à l’Assemblée nationale. Pour le remplacer, le leader du PDS, qui ne voulait absolument pas avoir affaire à un libéral qui se croirait son dauphin en cette période de succession, nomma le 19 juin 2007 Haguibou SOUMARE, un technocrate, sans ambition politique et souffrant de carence de charisme. Seulement, les élections locales de 2009, sur lesquelles Me WADE comptait pour placer son fils Karim WADE à la tête de la mairie de Dakar avant la présidence de la République, se soldèrent par un échec cuisant du régime libéral. Battu jusque dans son bureau de vote, Karim WADE ne gagna même pas la commune de Point E à plus forte raison la capitale. De grandes villes, à l’instar de Louga, Diourbel, Saint-Louis, tombaient dans l’escarcelle des opposants. En réaction à cette déculottée politique, Me WADE vira le bureaucrate SOUMARE (officiellement démissionnaire). A sa place, il mit Souleymane Ndéné NDIAYE qui devenait le 6e chef de gouvernement de son régime à la tête d’une armada politique. Le diplômé de l’ENAM partit avec nombreuses des prérogatives de Cheikh Tidiane GADIO qui démissionnait quelque temps après.
Si le Cheikh Haguibou SOUMARE, dont Me WADE s’est séparé en 2009 pour mieux faire face aux échéances de 2012, n’est pas celui qui peut terrasser Macky SALL en 2019, il pourrait cependant être celui qui va crédibiliser le forcing électoral que leader de l’APR prépare. Le chargé de la Communication du Palais l’a affirmé, l’ancien Premier ministre est un cheval de Troie. Seulement, El Hadji Hamidou KASSE a indiqué la mauvaise direction. Car, cheval de Troie, l’ancien président de la Commission de l’UEMOA serait plus à même de servir les intérêts du camp du pouvoir que ceux de Karim WADE. Avec la prochaine présidentielle que Macky SALL organise selon sa volonté, Cheikh Haguibou SOUMARE pourrait bien être « l’opposant » non pas significatif mais indicatif et symbolique d’une élection dont l’issue sera forcément contestée au regard des préalables. Comme en 2007, quand Abdoulaye BATHILY et Ousmane Tanor DIENG, contestant la transparence du scrutin, saisirent d’un recours le Conseil constitutionnel. Idrissa SECK, qui était aussi opposant, coupa l’herbe sous leur pied en félicitant publiquement Me WADE. Avec la mobilisation qu’il a réussie au Grand Théâtre, il ne faut pas être surpris que Cheikh Haguibou SOUMARE qui semble peu préoccupé par les préalables du scrutin, décroche ses 65 mille parrains et participe à la présidentielle. Et pour un ex-Premier ministre et ancien président de la Commission de l’UEMOA, sa voix est plus qu’audible à l’international. Et c’est tout ce qui importe à Macky.
Mame Birame WATHIE