L’Union des magistrats sénégalais (Ums) tient son Assemblée générale ordinaire, ce week-end, dans la station balnéaire.
Même s’il ne s’agit pas d’une élection de renouvellement des instances, comme celle de 2016 qui a porté au pinacle le juge Souleymane Teliko, il reste que ce conclave présente des enjeux, en ce sens qu’il survient dans un contexte bien particulier.
Tous les regards seront orientés dans la station balnéaire de Saly Portudal où se tient l’Assemblée générale ordinaire de l’Union des magistrats sénégalais (Ums), prévue ce samedi. Mais il ne s’agit pas d’une élection de renouvellement des instances, comme celle de 2016 qui a porté au pinacle le juge Souleymane Teliko. Selon les informations de WalfQuotidien, le «bilan d’activités» des deux années de la nouvelle équipe ayant remplacé celle de Maguette Diop ainsi que «l’état des réformes» seront au menu des échanges. Plusieurs réalisations ont été l’œuvre de l’équipe dirigée par le président Souleymane Téliko. L’histoire retiendra que c’est sous son magistère que des réformes judiciaires tant attendues par les magistrats ont vu le jour. C’est également sous le magistère du juge Teliko que la réforme de la justice engagée par les autorités étatiques a amorcé sa phase de concrétisation.
On peut en citer la «Loi organique n°11/2017 modifiant les articles 75 et 77 de la loi organique 2017-10 portant statut des magistrats», laquelle a été votée par l’Assemblée nationale en juin 2017. Cela faisait dix ans que les magistrats couraient derrière ce statut. S’y ajoute la «Loi modifiant les articles 5, 6, 7, 9 et 13 de la loi n°2014-26 fixant l’Organisation judiciaire». La «Loi portant création, organisation et fonctionnement des Tribunaux de commerce et des Chambres commerciales d’Appel». On peut également citer la revalorisation de certains emplois judiciaires ; la création de nouvelles juridictions et bien d’autres choses.
Réalisations
Ce conclave des juges et des procureurs survient dans un contexte bien particulier marqué par une surmédiatisation des dossiers politico-judiciaires. Avec notamment le procès du maire de Dakar, Khalifa Sall, dont le verdict sera rendu le 30 août prochain. L’Ag de l’Ums se tient au moment où la Justice fait l’objet de critiques les plus acerbes de la part, aussi bien des justiciables que de la classe politique. Les longues détentions sur fond de lenteurs judiciaires devenues chroniques dans ce pays ; les juges d’instruction mis à l’index face au phénomène du surpeuplement carcéral dont on leur reproche de ne pas tenir compte de la capacité d’accueil des prisons ; les accusations de corruption dans la magistrature à l’image de la sortie de Cheikh Bamba Dièye ; les sorties courageuses de certains magistrats à l’image des juges Yaya Amadou Dia et Ibrahima Hamidou Dème. Le premier a dénoncé le rejet de l’inscription de Karim Wade sur les listes électorales, au motif que «sa condamnation pénale ne fait obstacle ni à son inscription sur les listes électorales ni à la recevabilité de sa candidature». Une position qui lui a valu une procédure disciplinaire devant l’Inspection générale de l’administration de la justice (Igaj).
Contexte
Le second, démissionnaire de la magistrature investit l’arène politique. Les raisons n’ont pas manqué pour justifier cette position courageuse, du reste inédite dans la magistrature sénégalaise. «La magistrature est de plus en plus fragilisée, voire malmenée de l’intérieur comme de l’extérieur. Il en est résulté une crise sans précédent de la justice qui a perdu sa crédibilité et son autorité. Aujourd’hui, elle ne joue plus son rôle de gardienne des libertés individuelles, de régulateur social et d’équilibre des pouvoirs. Je démissionne d’une magistrature qui a démissionné», a-t-il argumenté. Si cette décision a été approuvée par certains de ses collègues, tel n’a pas été le cas pour d’autres qui estimaient en son temps qu’il fallait rester et mener à l’intérieur le combat pour l’indépendance effective de la justice.
La conduite de plusieurs dossiers durant ces deux années va certainement s’inviter dans les débats, comme il est de tradition car on se rappelle de l’Ag houleuse de 2015 où l’affaire Aïda Ndiongue, dans le dossier Plan Jaxaay, a failli créer un tremblement de terre dans la justice. Le juge qui avait prononcé la relaxe s’en était pris au procureur de la République de Dakar, Serigne Bassirou Guèye, lorsque ce dernier avait sorti un communiqué pour qualifier la décision de «troublante» et d’«illégale». La rencontre de ce matin sera sans doute l’occasion pour les magistrats de solder leurs comptes et de s’expliquer sur les affaires Khalifa Sall, Karim Wade, Luc Nicolaï, la disparition des scellés dans l’affaire Thione Seck ; la programmation du procès de Baba Ndiaye alias «Ngaka Blindé» alors que d’autres personnes arrêtées (Moussa Ndiaye Asp en l’occurrence) avant lui attendent encore ainsi que la conduite des dossiers pendants devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei).
Pape NDIAYE