Comme si les forces de l’ordre ont commis une élégante bavure en interpellant notre confrère Serigne Diagne la semaine dernière, l’Exécutif a dépêché une délégation pour lui présenter les condoléances du chef de l’Etat suite au rappel à Dieu de son cousin et, en même temps, ses excuses.
Chef de la délégation, le ministre-conseiller Mor Ngom a commis une énorme bourde en soutenant que c’est le Président, himself, qui a ordonné le relâchement de l’administrateur du site Dakaractu aussitôt après qu’il a été informé de l’affaire.
De nombreux Sénégalais qui croyaient encore vivre dans une République ont failli s’arracher les cheveux, hier en lisant la presse. Car, c’est trop grave ce que le ministre Mor Ngom a tenu comme propos aux obsèques du cousin de notre confrère Serigne Diagne du site d’informations Dakaractu.com. Sans doute gagné par l’émotion, il a perdu les pédales en déclarant que c’est Macky Sall, lui-même, qui a ordonné le relâchement du sieur Diagne, interpellé par la Police, en même temps que Barthélémy Dias. «Le président de la République n’était pas au courant. Mais dès qu’il a été informé, il a exprimé tout son étonnement. Il a immédiatement ordonné que ses services disent à Serigne Diagne que c’était une erreur», a-t-il soutenu dans les colonnes de nos confrères du journal LesEchos. Avant de poursuivre : «Ni Serigne Diagne, ni Dakaractu n’étaient visés. Ils y étaient pour autre chose.»
Ne s’entendant sans doute pas parler, il renchérit en soutenant que le Président lui a même, en cours de route, envoyé deux messages insistants pour savoir s’il avait fait la commission. Scandaleux ! Et on peut légitimement se demander si ce ministre a été à l’école. Car, dire que notre Président, qui est à un niveau de responsabilité aussi élevé peut avoir du temps pour suivre les invectives des opposants dans une opération de police et d’ordonner la libération du journaliste, cela pourrait également accréditer la thèse qu’on a élu un homme qui disposerait de tout son temps pour suivre les déboires d’un citoyen lambda en conflit avec la justice. Et pourquoi pas s’y immiscer.
Même si on avait encore initié une procédure judiciaire et que l’affaire était encore gérée par l’Exécutif, ces déclarations enamourées de Mor Ngom laisseraient paraître que tous les citoyens n’ont pas les mêmes droits. Que, pour notre confrère, le chef de l’Etat peut intervenir, mais pas pour ceux qui ne sont pas dans les grâces du pouvoir.
Sauf à croire que les médias sont victimes d’épédonculation de la part du régime, on peut se reprocher, nous autres journalistes, de n’avoir pas dénoncé ce deux poids deux mesures.
En outre, que le Président envoie une délégation chez notre confrère peut être vu par nous autres journalistes comme une très grande marque de sympathie. Mais, les Sénégalais auraient également aimé voir le défunt Mamadou Diop, grand commis de l’Etat qui a tout donné à la République, également bénéficier de toute la reconnaissance de l’Etat. Surtout que pour un oncle du maire de la Médina, dont peu se souviennent encore du nom dans la délégation gouvernementale, c’est presque tout le gouvernement, son chef en tête, qui s’est déplacé.
Seyni DIOP