CONTRIBUTION
Monsieur le Président de la République française, nul n’ignore les relations séculaires, empreintes d’histoires communes, entre les deux pays, la France et le Sénégal. Et il semble être confirmé que vous seriez en visite de 3 jours au Sénégal et pour la première fois depuis votre accession à la magistrature suprême avec comme programme : Economie, sécurité, environnement et participation au sommet du Partenariat mondial pour l’éducation (Pme). Avec autant de sujets qui interpellent le Sénégal. Sachez, Monsieur le Président, que vous serez en terre de la «téranga» (hospitalité) et de surcroît, un pays rétrogradé au rang de 25ème pays le plus pauvre de la planète après l’arrivée de Macky Sall au pouvoir en 2012 avec un taux de pauvreté qui est passé de 41,6 % en 2012 à 56,1 % en 2017 (source Agence nationale des statistiques de l’Etat, Ands).
La consternation du peuple est à son comble concernant le recul drastique de l’état de notre démocratie et de nos libertés civiles et politiques, comme en atteste l’Ong américain Freedom House, dans son nouveau rapport de 2018. Depuis 2012, le Sénégal dérive toujours par rapport au cap de la démocratie, lorsqu’il n’est pas improbable que bientôt, Macky Sall organisera la mort de nos institutions démocratiques, en instituant une dictature rampante autour de sa dynastie, que le peuple nomme, génériquement, clan Faye-Sall.
Monsieur le Président Macron, notre maison Sénégal brûle et nous regardons ailleurs et nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Quand on ajoute de l’illégalité à l’illégalité, on tend à s’asseoir sur un volcan et autant que le peuple le sache, le nom de Macky Sall est associé à notre décadence démocratique et éthique, valeurs cardinales auxquelles sont attachées la République française et celle sénégalaise.
L’ex-président américain, Barack Obama, disait, dans son fameux discours du Caire, que «l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes». Non seulement, Macky Sall n’est pas un homme fort, mais c’est un homme de confort qui se prend pour le grand prêtre de l’humanité qui condamne quiconque ne va pas dans son sens, comme en attestent tous les procès politiques à son actif depuis son arrivée en 2012 : le candidat exilé de force, Karim Wade et le maire de Dakar Khalifa Ababacar Sall. Le premier nommé, Karim Wade, après avoir été jugé puis condamné par un tribunal d’exception qu’est la Cour de répression et de l’enrichissement illicite (Crei), et que cette cour a été récusée par la Cour de justice de la Cedeao et par l’Onu, a été gracié par décret présidentiel et exilé de force au Qatar sans son consentement. Quant au second, qui n’est autre que le député-maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, son seul délit est d’avoir défendu une candidature du Parti socialiste à la présidentielle de 2019, d’où cette accusation grotesque concernant le fonctionnement des fonds politiques de la mairie de Dakar qui a été ainsi depuis plus de cinq générations de maires qui se sont succédé à la mairie de Dakar.
Tout cela fait penser au peuple et à l’Union des magistrats sénégalais (Ums) que notre justice est sous l’emprise du pouvoir exécutif incarné par le président Macky Sall et qui a dit, lui même, et publiquement qu’il a mis sous son coude bienveillant, beaucoup de dossiers judiciaires qui ont épinglé ses propres partisans et collaborateurs. Pour ne vous en citer que trois exemples de personnes épinglées par les rapports des corps de contrôle de l’Etat, il s’agit de :
– Cheikh Kanté, ex-directeur du Port de Dakar, promu comme ministre en charge du suivi du Plan Sénégal Emergent (Pse) après avoir joué avec les finances du Port,
– Cheikh Oumar Hanne, Directeur général du Centre des œuvres universitaire de Dakar (Coud), épinglé pour des marchés fictifs non exécutés
– Pape Ciré Dia, Directeur général de La Poste coupable d’une gestion cataclysmique jusqu’à alerter le Fmi qui recommande une privatisation partielle de La Poste pour la sauver du naufrage. Malgré cela, Ciré Dia est maintenu à son poste de directeur.
Voilà, Monsieur le Président, quelques exemples qui attestent le fonctionnement d’une justice à deux vitesses et aux ordres qui planent sur la tête de chaque Sénégalais qui ne va pas dans le sens voulu par Macky Sall. Au même moment, son frère Aliou Sall, journaliste de profession, est à la tête d’un empire de pétro dollars non encore élucidé et il vient d’être promu comme Directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (Cdc) par décret signé des mains de son propre frère, président de la République.
Au plan social, l’année 2018 a été inaugurée par une cascade de fronts sociaux en ébullition. De l’éducation nationale à la santé, en passant par les travailleurs des collectivités territoriales, tous sont dans la rue pour non respect des engagements pris par l’Etat du Sénégal depuis 2014. Les enseignants réclament 85 milliards de F Cfa d’arriérés de salaires et avantages, Les étudiants réclament 5 mois d’arriérés de bourses d’études non payées avec un taux d’échec de 60 % à l’université. Les hôpitaux croulent sous le poids de la dette de 16 milliards de Fcfa que leur doit l’Etat du Sénégal dans ses errements de la mise en place catastrophique du Programme de la couverture maladie universelle (Cmu) ; également cette dette est composée de sommes dues aux fournisseurs et au passif social. Le chômage des jeunes a atteint des records jamais égalés depuis notre indépendance alors que Macky Sall avait promis 500 000 emplois durant son quinquennat promis initialement, puis transformé en septennat, après son reniement planétaire à travers un semblant de référendum en 2016 sur 15 points, dont le seul point concernant le prolongement de son mandat est appliqué à ce jour.
Monsieur le Président, la France est le premier partenaire économique du Sénégal et beaucoup de vos concitoyens et entreprises y sont très bien représentés. Le peuple sénégalais s’achemine vers l’élection présidentielle de février 2019, après s’être sorti des législatives de juillet 2017 que tout un peuple qualifie d’élections les plus catastrophiques, jamais organisées au Sénégal, de l’indépendance, en 1960, à nos jours. En réalité, il s’agissait de non élection et de mascarade électorale savamment orchestrée par le régime de Macky Sall en confisquant notre citoyenneté et nos droits civils, empêchant ainsi à plus de 2 600 000 citoyens de participer au vote alors que le gouvernement a dépensé presque 3 fois plus que la France, soit 52 milliards de F Cfa pour devoir produire un peu plus de 6 millions de cartes d’électeurs. A ce jour, seulement plus de 3,5 millions d’électeurs ont pu recevoir leurs cartes d’électeur et plus des 2/3 ont été triés de par leur appartenance au parti au pouvoir pour la production et la distribution de leurs cartes d’électeur. Le rapport de la Commission électorale nationale et autonome (Cena) a fait part de ces graves manquements et dérives dans l’organisation de cette mascarade électorale de juillet 2017. Cette même Cena, via la Direction de l’automatisation du fichier (Daf) a confirmé que depuis mi-août 2017, aucune carte d’électeur n’est produite sans que les raisons ne puissent être données au peuple souverain et à qui on a délesté 52 milliards pour faire d’eux, aujourd’hui, des sans papiers dans leur propre pays.
Au 1er février, Monsieur le Président, vous serez au Sénégal où le peuple est désespéré d’avoir espéré du président Macky Sall qui suscitait un espoir en 2012 et dont le peuple s’est rendu compte que ce n’était que du discours d’un grand illusionniste carencé. Tout ce que lui et son gouvernant répète à l’envi, se fracasse sur le mur des réalités. Aucune branche à laquelle s’accrocher, tout est contes et mécomptes.
Pour mieux s’en rendre compte, Monsieur le Président, ne faites pas moins que les présidents Barack Obama et François Hollande. Ce dernier avait rencontré l’opposition congolaise lors du sommet de la Francophonie à Kinshasa. Obama en avait fait de même à Dakar en rencontrant la société civile. Monsieur le Président, rencontrez l’opposition et la société civile et rappelez à votre homologue sénégalais, Macky Sall, que le respect des règles démocratiques et des droits de l’homme est une condition des bonnes relations win win (gagnant-gagnant) entre la France et le Sénégal sous votre nouveau magistère.
Vous avez exprimé votre volonté de décomplexer les relations entre la France et l’Afrique, et une occasion en or vous est offerte pour dire, les yeux dans les yeux, au président Macky Sall, que la vitrine démocratique du Sénégal ne mérite pas d’être teintée en noir pour un obsessionnel deuxième mandat où il semble organiser un vide d’adversaires autour de lui par un tri sélectif qui nous renvoie à la poutinisation du pouvoir.
Enfin, Monsieur le Président, le Sénégal ressemble à une cocotte minute où tout peut exploser à tout moment, si le Président Macky Sall ne respecte pas les règles du jeu démocratique qui l’ont amené au pouvoir en 2012. Et tout semble aller dans le sens contraire au moment où il annonce déjà son futur score de 60 % à un an des élections, tout en concoctant savamment un plan de pénurie de candidatures via des procès politiques et des parrainages farfelus auxquels, lui-même n’était pas assujetti en 2012. Pendant ce temps, ce régime de Macky Sall entretient la plus grande manufacture de Sénégalais sans papiers dans leur propre pays et ceci, pourrait être préjudiciable à la politique de l’immigration en Europe à laquelle vous êtes vraiment attaché.
Dr Mamadou SECK
Citoyen sénégalais
Sans papiers sénégalais