Le Président directeur général du Groupe Wal Fadjri a rendu un hommage déférent à l’ancien ministre d’Etat, Djibo Kâ.
Pour Sidi Lamine Niass, Djibo Ka était un homme pétri de qualités d’homme d’Etat qui savait défendre sa position. Un homme qui avait toujours la force de l’argument pour conforter ses convictions.
«Djibo Kâ était un homme d’Etat de par son parcours dans les instances de la République. Il a commencé à faire de la politique depuis qu’il était étudiant dans le parti Ups. Il était engagé aux côtés du Président Léopold Sédar Senghor. Il faisait partie des jeunes de cette formation politique formés par Moustapha Niasse.
En tant que «Soixante huitard» qui a vécu les événements de 1968, je retiens de lui un homme pertinent et qui sait argumenter. Je l’ai connu dans un grand symposium organisé par les étudiants de l’Ups pour répondre aux contestataires qui n’étaient pas d’accord avec leur façon de gouverner le pays. Quand il prenait la parole, tout le monde l’écoutait, un vrai sophiste qui sait capter l’assistance.
Dans le cabinet du Senghor où il travaillait, c’est quelqu’un qui savait suivre un dossier. J’ai vécu avec lui l’important dossier concernant la Poste et les Télécommunications, quand il fallait séparer les deux entités. Dans le numéro 22 du journal Wal Fadjri en 1984, on avait titré sur ce paradoxe des deux entités, c’est-à-dire la Poste qui n’était pas bien lotie alors que la Sonatel émergeait. Il s’est posé la question : «Est-ce que c’est la position de Wal Fadjri dans le conflit qui existe entre Moustapha Niasse et Djibo Kâ ou bien c’est pour comprendre l’affaire ?» C’est un journaliste, Max Magamou Mbaye qui lui a dit que tel qu’il connait Sidy Lamine Niass, c’est quelqu’un qui cherche l’information. Il rétorque à ce dernier qu’il veut me voir. Quand on s’est rencontré dans son bureau, il a pris tout son temps pour m’expliquer le dossier. Je l’interromps pour lui dire : «M. le ministre, vous n’avez pas besoin de me faire tout ce compte rendu détaillé mais à vos supérieurs». Il répond : «Si, parce que je suis devant un journaliste qui est la pour la population, je dois rendre compte à la population tous les détails de ce dossier.» C’est en ce moment que j’ai senti qu’il y a quelqu’un qui est dans le gouvernement mais déterminé à donner de bonnes informations pour son peuple.
Relations avec Walf
«Du temps d’Abdou Diouf, on s’est rencontré dans beaucoup de débats, mais il tenait à ce que je prenne la parole. Tous ses gestes attiraient mon attention sur lui. Quand le Président Mouammar Kadhafi était venu au Sénégal et que Sokhna Dieng de la Rts devait l’interviewer, Djibo Ka ministre de la Communication me disait : «Sidy, la presse est une et indivisible, vous pouvez poser vos questions.»
Entre Djibo Kâ et Wal Fadjri, c’est une relation de confiance. Il n’a jamais rechigné à mes invitations. A chaque fois qu’il est sollicité, il a répondu présent. A preuve, il a honoré de sa présence toutes mes récentes manifestations que ce soit à Massalikoul Djinan, au siège du groupe Wal Fadjri lors de la présentation de mon livre, Un étranger parmi les siens, et à l’Hôtel King Fahd. Et il fait toujours partie des premiers à venir.
Djibo Kâ était quelqu’un de disponible, de correct et qui n’est pas rancunier. Le pouvoir ne l’a jamais rendu fou. Il est toujours resté lui-même. C’est cela sa force. Tout le monde se souvient de son différend avec Moustapha Niasse. Personne ne l’a entendu revenir sur cette affaire vieille de plus de deux décennies. Mais cela n’a pas empêché leurs divergences politiques. Du temps de Wade, il a fallu que Moustapha Niasse sorte du gouvernement pour qu’il entre dans le régime libéral.
Affaire Me Sèye
«Je me rappelle l’anniversaire du Groupe Walf Fadjri célébré à l’hôtel Novotel. Une rencontre qui a regroupé Abdoulaye Wade, Viviane Wade et Djibo Kâ. J’ai dit à tous les trois qu’ils vont couper le gâteau ensemble. Djibo Kâ, sur un ironique, me dit : «Ne me créez pas de problème, je suis le ministre de l’Intérieur et actuellement j’ai un dossier trop chaud avec Abdoulaye Wade». Effectivement, c’est quelqu’un qui connait très bien ce dossier. Djibo Kâ et Madické Niang sont les deux personnes qui connaissent très bien le fond du dossier. L’un en tant que ministre de l’Intérieur et l’autre en tant qu’avocat d’Abdoulaye Wade. C’est parce qu’il est un homme d’Etat qu’il a accepté de rencontrer Abdoulaye Wade. Il ne lui a jamais mis les battons dans les roues».
Ses fonctions ministérielles
«Djibo Ka fut le meilleur ministre de l’Education. Dans ce département ministériel où des ministres ont fait long feu, lui a duré. Il a répondu aux attentes dans ce ministère tout comme dans le ministère de l’Intérieur où la police était diabolisée. C’est lui qui a théorisé l’Hôtel de la police pour donner à cette institution ses fondamentaux. Pour revenir à l’Education, c’est lui qui a instauré un climat de confiance entre l’Etat et les Syndicats d’enseignants en initiant des rencontres de dialogue entre les deux parties».
Son vécu dans le Ps
«Djibo Kâ était quelqu’un qui ne renie pas ses convictions. Lors du ‘Congrès sans débat’ de 1996, il a exprimé le besoin de créer un courant politique parce que ses idées ne correspondent plus avec celles théorisées par les dirigeants du Parti socialiste d’alors. Par conséquent, il a été exclu du parti. Il a pris sa revanche en créant l’Urd qui a récolté 11 députés lors des législatives suivantes. Un résultat honorable qui lui a permis d’avoir un groupe parlementaire. D’ailleurs, ce sont sa rébellion et celle de Moustapha Niasse qui ont conduit le Ps à l’échec sur l’échiquier politique.
En 2000, entre les deux tours de l’élection présidentielle, il ne faut pas oublier que Abdou Diouf était son parent de par son père. Quand il est parti voir Abdoulaye Wade pour négocier, il a trouvé que ce dernier a déjà parlé avec Moustapha Niasse pour devenir son Premier ministre. Djibo Ka qui n’imagine pas entrer dans le gouvernement du leader de l’Afp, a préféré Diouf.
Malgré tous les problèmes qu’il a rencontrés au niveau du Parti socialiste, Djibo Kâ a toujours épousé les idéaux socialistes. Cela s’est senti quand il a été exclu du Ps. Il a dit qu’on m’a exclu de la maison paternelle, je vais créer ma propre maison qui sera plus reluisante que celle du père. Pour ainsi dire que l’Urd a toujours prôné le socialisme».
Suspension de l’installation de la 13e législature
«Djibo Kâ, avec tout ce qu’il a fait sur le plan politique et administratif pour le Sénégal, sa mort coïncidant avec l’installation de la 13e législature, on devrait suspendre la séance et la reporter jusqu’à un autre jour. Il y a aussi le décès de l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur, Amadou Tidiane Bâ. Tous ces rappels à Dieu devaient inciter les autorités parlementaires à observer une pause. Parce que ceux qui sont disparus ont marqué l’histoire politique et administrative sénégalaise».
Djibo et la diplomatie
«Je me rappelle de mon voyage en Jordanie dans le cadre de mon travail pour l’organisation du sommet de l’Oci en 1992 au Sénégal. Et comme il y avait un conflit dans la zone du Golfe entre le front du refus et les modérés, j’étais venu convaincre le roi pour qu’il fasse le déplacement à Dakar. Le ministre des Affaires étrangères de la Jordanie m’a dit qu’il n’a pas compris notre ministre des Affaires étrangères. Je lui ai répondu que c’est un homme qui défend sa position avec acharnement mais très ouvert. Dans ce département, il faut retenir qu’il y a deux personnes qui ont occupé ce département après leur formation en diplomatie, Seydina Oumar Sy et Mankeur Ndiaye. Djibo Kâ n’a pas fait de formation en diplomatie mais il a réussi dans ce ministère».
Rassemblés par Mamadou GACKO