CHRONIQUE DE WATHIE
Il y a cinq ans, jour pour jour, les Sénégalais élisaient un homme. Le Peuple sénégalais l’avait distingué face à des ténors politiques actifs depuis des décennies avec un score que la plus massive des fraudes ne pouvait altérer. Il mit entre ses mains des mouchoirs immaculés, espérant que ses tonneaux de larmes soient essuyés. Des dizaines d’âmes avaient été fauchées avant que sa voix ne se fît entendre. Jeunes découragés, femmes exaspérées, tout le Peuple reprit espoir, tout heureux de s’être débarrassé de Me Abdoulaye WADE sans davantage de victimes. Le Peuple lui pardonna le rôle qui était le sien dans l’ancien système, presque assuré qu’il ne ferait pas pareil. «Né après les indépendances», Macky SALL ne pouvait qu’impulser la rupture, réparer les injustices, mettre le Sénégal sur la voie menant à l’épanouissement de ses populations.
Macky SALL ne se serait pas engagé à faire une «gouvernance sobre et vertueuse», s’il n’était pas convaincu que le contraire était érigé en mode de gouvernance. Il n’aurait pas promis de privilégier la patrie au parti, s’il n’était pas persuadé que son prédécesseur s’occupait plus de son parti que du Peuple.
Cinq ans après, que retenir.
Plébiscité par le Peuple qui lui a, en outre, accordé une majorité confortable à l’Assemblée nationale et conforté par la configuration du champ politique qui lui donne des pouvoirs considérables, Macky SALL tourne le dos à la rupture, s’engage dans la politique politicienne et multiplie les manœuvres.
Macky SALL, qui a passé 94 mois dans différents gouvernements et qui a déclaré un immense patrimoine, acquis pour l’essentiel entre 2001 et 2004, et estimé à environ 1,3 milliard de F CFA compte non tenu du contenu de ses comptes bancaires, mobilise toute la République pendant des années autour de l’affaire Karim WADE pour, disait-on, la reddition de l’argent volé au Peuple. Il met en branle la CREI, qui somnolait depuis des décennies, pour victimiser totalement Karim WADE qu’il va par la suite gracier. La suite est connue. Avant, il va, lui-même, décrédibiliser la CREI qui s’était chargée de juger le fils de son mentor. Sur le plateau d’i-Télé, le 25 octobre 2015, Macky SALL indique «qu’elle a un fonctionnement assez particulier». Avant d’ajouter : «Nous sommes en train de voir comment la faire évoluer, parce qu’elle a été antérieure à toutes les conventions mises en place par le système des Nations-Unies pour lutter contre la corruption». L’affaire Khalifa SALL montre que son dessein n’était pas de faire payer Karim WADE. Quand le responsable socialiste en aura terminé avec dame justice, il sera sans doute logé à la même enseigne que WADE-fils. Les deux hommes, qui se sont indirectement croisés en 2009 pour le contrôle de la mairie de Dakar, devront porter le même combat de leur éligibilité. Progressivement, le leader de l’APR montre qu’il n’a jamais quitté le système WADE. La traque des biens mal acquis est abandonnée, la CREI retombe dans sa léthargie d’antan, les libéraux, disséminés dans plusieurs partis politiques, respirent la forme. C’est la chasse aux véritables opposants à qui rien n’est pardonné. Leurs dossiers, loin du coude de Macky SALL, sont sur la table du procureur.
Wax waxxeet
Macky SALL s’est appuyé sur la magistrature, qu’il a, par la même occasion, décrédibilisée, pour revenir sur son engagement de faire un mandat de 5 au lieu de 7 ans. Aucun de ses prédécesseurs ne l’aurait imaginé mais Macky SALL va décider de la tenue d’un référendum devant modifier la charte fondamentale du pays et va en informer les Sénégalais moins de 20 jours avant. Son projet avalisé par moins de la moitié des Sénégalais, il rallonge son mandat et oublie les autres réformes.
La famille avant la Patrie et le parti
Son petit frère, ses beaux-frères, nombreux de ses «goro » (gendres), son guéwel (griot) … sont installés au cœur du pouvoir avec d’innombrables pouvoirs. Son jeune frère Aliou SALL est au-devant de la scène entre Guédiawaye et Londres. Mansour FAYE, frère de son épouse, est arrosé d’argent pour aller battre Cheikh Bamba DIEYE à Saint-Louis et gagner son rang de ministre. Adama FAYE, autre frère de son épouse, sans titre officiel distribue régulièrement des tonnes de riz à Grand-Yoff d’où il a fini par “chasser” Mimi TOURE. Son beau-père, Abdourahime SECK dit « Homère », devient le Président du Conseil d’administration de Petrosen…
Gouvernance sombre et vertigineuse
Il met en place des Institutions fantoches pour caser alliés et affidées. Il dissout le Sénat et crée le Haut Conseil des collectivités territoriales(HCCT). Met en place la Commission Nationale du Dialogue des Territoires (CNDT) et le Haut conseil du dialogue social (HCDS. Augmente le nombre des députés sans compter les 80 conseillers et 40 membres associés que compte le Conseil économique social et environnemental (CESE). Des déplacements réguliers à l’étranger et à l’intérieur du pays pour des “dokhantou” ou “takhawalou” politiques chèrement facturés au contribuable. Farba Ngom, qui rappelle à bien des égards son homonyme Senghor, inaugure, sous le feu des projecteurs, sa nouvelle villa logée aux Almadies et qui lui aurait coûté 700 millions de francs CFA. Arona Ndofféne DIOUF, ministre-conseiller de Macky, se fait voler une mallette contenant 20 millions de nos francs qu’il avait laissée dans son véhicule. Mounirou SY, alors très proche de Youssou NDOUR, double son salaire au lendemain de sa nomination à la tête du Bureau sénégalais du droit d’auteur (BSDA)….
Pendant ce temps
Le Sénégal va mal plus que jamais. Le front social est en totale ébullition. La tension, à son comble. Les hommes politiques font la navette entre les prisons et les commissariats de police. De la bouche de saints hommes émanent des mises en garde. On hésite plus à parler de « guerre civile ». Au même moment, vivant le calvaire au quotidien, les Sénégalais constatent de plus en plus leurs maigres espoirs s’amenuiser, tels les rayons du soleil crépusculaire. Les robinets leur refusent régulièrement le liquide précieux, comme c’est le cas depuis 48 heures dans de nombreux quartiers de Dakar, en ce lendemain de journée mondiale de l’eau. Hommes et femmes s’essoufflent non pas à cause de leurs tâches habituelles mais par la faute d’une recherche effrénée de l’eau. S’agripper à un bus plein à craquer, pour ne pas se faire démolir par les « cars rapides », c’est à Dakar. Dans les régions si ce ne sont pas les «jakarta », ce sont les charrettes qui servent de moyen de transport. A Touba, l’une des localités parmi les plus peuplées du Sénégal, ce sont des charrettes tirées par des ânes. Vivre et vivoter n’ont plus grande différence, c’est dans la rue qu’on s’alimente. La rue prise également d’assaut par braqueurs et autres agresseurs. Pour des broutilles, on blesse, on tue. Le secteur de la santé souffre. Illustration faite par la panne du seul appareil de radiothérapie qui existait au Sénégal. Désormais, il faut se rendre au Maroc, a soutenu le ministre de la Santé. L’école ne se porte pas mieux. C’est Macky SALL lui-même qui en faisait dernièrement le procès. «On ne peut pas passer son temps à mettre autant de ressources pour des résultats mitigés. C’est ça le problème. Sur 9 mois de cours, il y a 6 mois de grève», dixit Macky qui résume bien le bilan de son mandat.
Par Mame Birame WAHIE