CHRONIQUE POLITIQUE
On ne nargue pas la communauté internationale impunément. Yahya Jammeh doit s’en convaincre et arrêter ses fanfaronnades pour ne pas plonger la Gambie dans une tourmente d’où ce pays se sortira difficilement. Qu’il médite les exemples de Saddam Hussein, Laurent Gbagbo et Mouammar Khadafi. Tous trois ont fini par être arrêtés et humiliés, avant d’être livrés à la justice pour les deux premiers et d’être exécuté sommairement pour le dernier nommé, sans qu’ils puissent y faire quoi que ce soit. Si l’autocrate irakien qui avait défié la coalition dirigée par les Yankees pendant des mois, donnait l’impression de pouvoir leur infliger de lourdes pertes en cas d’attaque contre son pays, les bombardements des Américains et alliés auront rapidement raison de son régime, avant qu’il ne soit fait comme un rat. Mis en cage en décembre 2003 et livré à la justice de son pays, il sera pendu haut et court le 26 décembre 2006 à l’issue d’un procès expéditif.
Quant au tout puissant «Guide de la Révolution» de la Jamahiriya arabe libyenne alors au pouvoir depuis 41 ans, il sera obligé de fuir Tripoli pour Syrte en août 2011, sous la pression d’insurgés soutenus militairement par la France et ses coalisés. Il y sera capturé le 20 octobre 2011, désarmé, torturé, avant d’être l’objet d’une exécution sommaire. Tous les deux disaient préférer mourir dignement les armes à la main, mais c’est après avoir été humiliés, déshumanisés même qu’ils ont perdu la vie.
Des trois chefs d’Etat qui ont eu à narguer la communauté internationale, seul Laurent Gbagbo a eu la vie sauve. Et il se trouve derrière les barreaux à La Haye depuis le 29 novembre 2011. Il est depuis cinq ans en attente de jugement devant la Cour pénale internationale qui le poursuit pour meurtre, viol, autres actes inhumains et persécution lors de la crise post-électorale ivoirienne.
En déclarant mardi à la télévision gambienne qu’«à moins que le tribunal décide que j’ai perdu, je ne quitterai pas le pouvoir, je vais voir ce que la Cedeao peut faire», Yahya Jammeh semble oublier qu’il ne brave pas que l’organisation sous-régionale puisqu’à travers elle, il défie aussi bien l’Union africaine que le Conseil de sécurité des Nations-Unies qui sont sur les mêmes positions. Et que si l’option diplomatique ne prospère pas dans le règlement de cette crise, la Cedeao recevra le soutien logistique (surveillance des mouvements de troupes par des drones, bombardements, etc.) de la communauté internationale pour le déloger de son bunker de Kanilaï. Si puissant armé soit-il, il ne tiendra pas très longtemps sous les coups de boutoir de la coalition dirigée par la Cedeao et soutenue par la France et les Etats-Unis d’Amérique (les mises en garde de Donald Trump lui demandant de rendre le pouvoir s’il ne veut pas mourir comme Khadafi, sont sans équivoque).
Yahya Jammeh rendrait un éminent service à son pays en acceptant la main tendue de la Cedeao. L’organisation sous-régionale aurait pu prendre des sanctions contre la Gambie lors de son sommet des chefs d’Etat qui s’est tenu samedi dernier à Abuja, mais elle n’a rien fait de tel, pour laisser une chance à la diplomatie. De même, c’est parce qu’elle veut réussir dans son option diplomatique qu’elle a désigné le président Muhammadu Buhari comme médiateur en Gambie, en s’appuyant notamment sur les relations privilégiées qu’entretiennent Abuja et Banjul. A Jammeh d’y mettre du sien pour éviter que cela ne dégénère et le président Buhari s’y attèlera même si le temps d’ici le 18 janvier lui est compté.
D’ici là, que l’autocrate de Banjul se rappelle ce qu’était la Jamahiriya arabe libyenne avec son niveau de vie enviable, ses nombreuses infrastructures aéroportuaires et routières de première génération et ce qu’est devenue la Libye cinq ans après. Qu’il se souvienne de l’Irak sous le parti Baas avec son centralisme démocratique qui en faisait un Etat fort et unifié et de l’anarchie qui s’est installée durablement, depuis treize ans, entre le Tigre et l’Euphrate au point que la deuxième ville de l’Irak, Mossoul, est contrôlée depuis deux ans par l’Etat islamique qui en a fait la capitale du terrorisme international. Ce qui a sauvé la Côte d’Ivoire de cette désagrégation, c’est que l’armée ivoirienne n’a pas suivi jusqu’au bout de sa folie Laurent Gbagbo et a accepté de déposer les armes assez tôt. A Yahya Jammeh de le comprendre en revenant à la raison avant qu’il ne soit trop tard.
Par Abdourahmane CAMARA*
* Directeur de publication de Walf Quotidien
Chronique précédente: cliquez ici