CHRONIQUE DE WATHIE
Abdoulaye Matar Diop n’a, peut-être, pas tort de dire que le dossier gambien constitue la plus grande épreuve de Macky SALL depuis qu’il est élu à la tête de l’Etat. La tergiversation du régime, qui a commencé par bander les muscles avant de tempérer ses ardeurs, renseigne de la délicatesse de la situation qui embourbe progressivement la diplomatie sénégalaise aux abonnés absents.
Le Sénégal se veut, désormais, très prudent face à Yahya JAMMEH. Après l’emballement de Mankeur NDIAYE, qui croyait s’adresser à un gouverneur de région, le régime de Macky SALL a mis la pédale douce. «Nous demandons au président JAMMEH de respecter le verdict des urnes, d’assurer la protection du président BARROW démocratiquement élu par le peuple gambien. Nous lui demandons incessamment de créer les conditions d’un transfert pacifique du pouvoir le mois prochain conformément aux dispositions de la Constitution gambienne». La logique du Sénégal est désormais aux antipodes de ces menaces à peine voilées du chef de sa diplomatie. Au lendemain de cette déclaration qui a mis le palais de JAMMEH en état d’urgence, le journal Le Monde, citant une source sécuritaire sénégalaise, renseignait que le Sénégal a déployé un commando de 100 éléments des forces spéciales le long de la frontière avec la Gambie. Une information reprise par l’essentiel des médias sénégalais et jamais démentie par les autorités sénégalaises. Il a fallu que les médiateurs de la CEDEAO se rendent comme d’eux-mêmes de l’entêtement de JAMMEH pour que le Sénégal change de fusil d’épaule. Un virage à 180 degré du régime dont les prémices ont été annoncées par Moustapha Cissé LO qui a distribué des insultes à tous les va-t’en guerre. Pour le président du parlement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ce sont les organisations de défense des droits de l’homme qui attisent le feu. «Nous travaillons à ce qu’on puisse respecter la présomption d’innocence pour le gouvernement sortant, mais aussi travailler à ce que le vainqueur puisse prendre le pouvoir et exercer les prérogatives que le peuple gambien lui a conférées », avait déclaré Cissé LO.
Entre la déclaration du représentant du Sénégal au parlement de la CEDEAO et les menaces du ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, Macky SALL n’a pas fait qu’arbitrer. Interviewé par France24, le chef de l’Etat a totalement désavoué son ministre. « Je pense que nous devons aussi respecter le président JAMMEH et lui parler (…) d’ici le 17 janvier, c’est le président JAMMEH qui reste président de la Gambie et tant que lui ne nous demande pas d’intervenir dans cette phase, nous ne pouvons pas le faire», a-t-il martelé. Plus grave, Mankeur NDIAYE disait mettre en garde JAMMEH « très solennellement et très sérieusement contre toute tentative de porter atteinte aux intérêts du peuple du Sénégal et à la sécurité de ses ressortissants qui vivent et qui travaillent en Gambie » ; car ayant « des informations alarmantes de ce point de vue ». Sur le plateau de France24, Macky SALL a pris son contrepied. « Je ne pense pas qu’entre Gambiens et Sénégalais, qu’on puisse en arriver à menacer les Sénégalais sur le territoire gambien », a expliqué le président SALL qui aménage une porte de sortie pour le président sortant de la Gambie.
En moins d’une semaine, le Sénégal, qui est intéressé par cette affaire plus que tous les autres pays africains, a défendu deux positions totalement contradictoires qui ne manquent pas de conforter JAMMEH dans son reniement. Une cacophonie que la sortie de Moustapha DIAKHATE, qui était à la place de la Nation, ex-Place Obélisque ce samedi, parmi les pourfendeurs du régime de JAMMEH, n’a guère aidé à atténuer. «S’il y a quelqu’un qu’on doit respecter en Gambie, c’est le peuple gambien et non Yaya JAMMEH», a soutenu le député, très proche de Macky SALL.
Par Mame Birame WATHIE
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