La Marche Verte est comme son nom l’indique une grande marche partie du Maroc le 6 novembre 1975 vers le Sahara qui était jusqu’alors sous le joug de l’Espagne. Des milliers de volontaires marocains, désarmés et portant pour beaucoup un Coran et un drapeau national, entourés par plus de 20 000 soldats des Forces armées royales, avaient fait des milliers de kilomètres pour envahir le Sahara. Ça, c’est le discours. Pour les opposants à la royauté marocaine, le contexte de la Marche est tout autre. «En 1975, le général Franco, qui n’a jamais été très enclin à négocier avec le Maroc sur l’affaire du Sahara, est mourant. Pour Hassan II, c’est le moment idéal pour tenter de récupérer les contrées du sud encore contrôlées par l’Espagne. Mais aussi pour consolider son pouvoir auprès de la classe politique marocaine, après les deux tentatives de coups d’Etat dont il est victime en 1971 et en 1972, et réaliser une sorte d’union sacrée autour du trône. C’est alors qu’il lance un véritable, et beau, coup de com : la Marche Verte. Les Forces armées royales (sous le commandement d’un certain Ahmed Dlimi) étaient en réalité stationnées dans le Sahara depuis le 31 octobre 1975. Elles sécurisent et occupent plusieurs points stratégiques et entament une véritable opération militaire à 160 km à l’est de Tarfaya, où blindés et chars d’artillerie sont utilisés pour mater les guérilleros du tout jeune Front Polisario. Au final, seuls quelques milliers de patriotes (sur les 350 000 “marcheurs verts”) quittent les campements de Tarfaya et de Tan Tan pour parcourir une distance de 15 km dans le désert, avant que l’ordre de repli ne soit donné par le roi, qui négocie en coulisses avec les Espagnols ». Pour le roi Hassan 2 qui l’avait initiée, il était plus que question de couper l’herbe sous les pieds du Polisario que de s’opposer aux Espagnols qui étaient sur le départ. D’une pierre, le souverain du royaume chérifien fit trois coups. Le Front Polisario, qui s’était opposé militairement aux Espagnols pour l’indépendance du Sahara, engrangeait de nombreux soutiens dont celui algérien. En mai 1975, une mission de l’ONU reconnu la légitimité du Polisario, tandis que la Cour internationale de justice à la Haye avait arbitré en faveur de l’autodétermination du peuple sahraoui.
Grâce à la Marche verte, le roi Hassan 2 avait consolidé son pouvoir, écarté le Polisario qui n’occupe que 20% du Sahara et effacé les traces des Espagnols.
Seulement, malgré la Marche Verte le Polisario continuait à étendre ses tentacules. En février 1976, c’est-à-dire quelques mois après ladite marche, le Polisario créait République arabe sahraouie démocratique (RASD). Quand l’Organisation de l’Union Africaine (OUA) reconnut la RASD comme un Etat, le Maroc se braqua et quitta l’organisation. Le 12 novembre 1984, à Addis-Abeba, Ahmed Réda Guédira, conseiller du roi Hassan 2, déclarait : « Voilà, et je le déplore, l’heure de nous séparer. En attendant des jours plus sages, nous vous disons adieu et nous vous souhaitons bonne chance avec votre nouveau partenaire».
Maintenant qu’il est de plus en plus question du retour du Maroc au sein de l’UA, Mohamed VI n’a pas choisi Dakar pour célébrer la Marche verte par hasard.
Le Roi du Maroc prononcera donc le traditionnel discours de la Marche Verte à partir de Dakar. Ce 41e anniversaire survient à un moment où le Maroc compte effectuer un retour avec les honneurs dans les instances africaines. Le moment décisif sera le sommet panafricain du mois de janvier prochain à Addis Abeba.
Le Chef de l’Etat effectue depuis fin octobre une tournée en Afrique sub saharienne, qui est marquée par une percée diplomatique en Afrique de l’Est, hors des zones traditionnellement liées au Maroc. Après l’étape sénégalaise, la tournée reprendra avec une visite en Ethiopie, siège de l’UA.
Le Maroc a montré, lors du sommet panafricain de Kigali en juillet dernier, qu’il a changé d’approche. Il est désormais plus pragmatique dans la défense de la cause nationale. Il rompt donc avec la politique de la chaise vide.
L’Afrique est un continent d’avenir et l’UA a progressivement acquis du poids sur la scène internationale. La présidente de la commission de l’Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, a utilisé la commission comme un outil contre le Maroc. Elle sera remplacée en janvier prochain.
L’UA et l’Afrique sont donc devenus des enjeux majeurs pour la cause nationale. Le retour du Maroc dans les instances panafricaines n’est pas une simple décision dictée par la diplomatie ou l‘intérêt. Elle s’impose comme le couronnement d’une démarche patiente entamée il y a une quinzaine d’années.
C’est ainsi que doit se lire la décision de prononcer le discours de la Marche Verte à partir de Dakar.
Pr El Moussaoui El Ajlaoui (Professeur à l’Institut des études africaines à l’université Mohammed V à Rabat) :
“Le Maroc est devenu un acteur continental. Cela est le fruit d’un long travail et d’une stratégie multidimensionnelle. L’action royale dans ce positionnement est décisive.
“Le Pdt sénégalais l’a bien dit: le choix de Dakar est un message à l’ensemble de l’Afrique et selon moi, peut-être à l’UE et aux Nations Unies. Le message, c’est que la question du Sahara est très liée à la place du Maroc en Afrique. Ce message affirme un ancrage africain du Maroc et de la cause nationale et il ouvre éventuellement une porte: peut-être qu’à l’UA , on peut trouver une solution inter-africaine.
“Cela va sans dire: ce choix va irriter la Mauritanie et l’Algérie. La première a un différend avec le Sénégal depuis un an. Quant à l’Algérie, elle ne va pas accepter ce nouveau rôle du Sénégal. Le Sénégal est LE pays qui a toujours été pro-marocain, toujours clair, avec qui les liens de fraternité remontent à plus d’un siècle.
“Le bloc francophone en Afrique a besoin d’un leadership. Le Maroc est bien placé pour jouer ce rôle“.
Brahim Fassi Fihri (président du think tank Amadeus) :
“La Marche Verte est aussi une marche vers le Sud. Le Sahara est notre point d’ancrage et notre enracinement africain. Le Sénégal est notre allié de toujours. Symbolique exceptionnelle au moment du retour du Maroc à l’UA.
“Cette démarche du retour n’est pas seulement marocaine mais est également portée par nos frères africains. Ce discours confirme que la vocation africaine du Maroc n’est pas seulement une mode mais un choix stratégique irréversible“.
WALFnet avec Médias24 et Wikipédia