Il se voyait déjà président, il se retrouve en prison. Jean-Marie Michel Mokoko, général saint-cyrien de 69 ans et candidat malheureux à la présidentielle congolaise du 20 mars, où il a obtenu 14 % des voix selon un décompte officiel très contesté, est incarcéré depuis plus de trois mois à la maison d’arrêt de Brazzaville.
Dans cet établissement sinistre et décati croupissent quatre-vingts prisonniers politiques, selon le rapport fouillé du juriste Maurice Massengo-Tiassé, deuxième vice-président de la Commission nationale des droits de l’homme. « Faux, il n’y en a aucun », martèle le
ministre de la justice, Pierre Mabiala, qui défend comme il peut le président Denis Sassou-Nguesso, 72 ans, dont plus de trente à la tête du pays. Après avoir fait modifier la Constitution cinq mois plus tôt, le chef de l’Etat a été réélu en mars, dès le premier tour, avec 60 % des suffrages, un scrutin entaché de fraudes dénoncées par la communauté internationale.
La crainte du poison
Candidat sans parti politique, Jean-Marie Michel Mokoko, homme du nord comme le président, mais populaire dans le sud du pays, avait suscité un certain engouement populaire. A Pointe-Noire, la capitale économique, celui qu’on surnomme « Moïse » aurait fait un score bien supérieur à sa moyenne nationale. Les espoirs qu’il a suscités lui ont valu d’être menacé, empêché de tenir des meetings, assigné à résidence, de voir son domicile perquisitionné à plusieurs reprises, et finalement d’être incarcéré. Le procureur de la République a ouvert une information judiciaire pour trois chefs d’inculpation : « atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat », « détention illégale d’armes et munitions de guerre », « incitation au trouble à l’ordre public ».
Seules trois personnes peuvent le visiter : son médecin, son avocat et son fidèle cuisinier burkinabé qui lui dépose chaque matin, à 9 h 45, son petit déjeuner, puis lui concocte des repas qu’il lui apporte en début d’après-midi. « Ça évite les tentatives d’empoisonnement », lâche un proche.
Dans cette prison surpeuplée, il a le privilège d’être seul dans une grande cellule dont il n’a pas le droit de sortir, sauf pour les auditions au parquet. Aucun contact avec les autres prisonniers ne lui est permis. Surtout pas avec son directeur de campagne, Jean Ngouabi, et les quatre autres membres de son équipe également incarcérés. Tous se sont retrouvés lors d’une confrontation, mercredi 14 septembre, au palais de justice, durant laquelle les magistrats ont tenté, en vain, de leur faire admettre un projet de « trouble à l’ordre public ». Cinq jours plus tard, M. Mokoko devait se présenter devant le juge pour récupérer le matériel informatique perquisitionné dans ses deux villas et examiné. Aucune preuve d’un plan de conquête du pouvoir par la force n’a pu en être exhumée. La convocation a été reportée sine die.