C’est une autre tournure que risque de prendre l’affaire Habré, car les avocats des victimes sont appelés à produire les preuves qui attestent du crime sexuel avancé par certaines de leurs clientes. Parce que ces nouvelles accusations n’ont pas été soulevées durant l’instruction.
Selon les termes de l’accusation, Hissène Habré est poursuivi pour «crimes de guerre, crimes contre l’humanité et tortures». Mais une nouvelle charge pourra être retenue contre lui, notamment celle de «crime sexuel». Cette infraction n’apparait nullement dans l’ordonnance de renvoi, car n’ayant pas été évoquée au cours de l’instruction. Elle ressort des témoignages recueillis par les juges. Plusieurs femmes qui ont défilé à la barre ont, en effet, déclaré avoir été victimes d’abus sexuel, durant leur arrestation. Il en est ainsi pour la tchadienne Khadidja. «Je ne vais rien cacher, ils ont couché avec moi. Je peux même me déshabiller. C’est une honte pour moi de le dire, une honte pour ma famille, même ici c’est une honte de le dire. Je dis la vérité et Allah le sait», a-t-elle raconté.
Arrêtée à l’âge de 14 ans alors que la Dds essayait de mettre la main sur sa mère qui résidait au Nigeria, Haoua s’est aussi présentée comme une victime d’abus sexuel. «C’était une base militaire. Il n’y avait pas de civils. On vivait dans un hangar et on mangeait du gombo séché et du riz pas cuit. Les femmes des militaires n’étaient pas là. On lavait les uniformes, on préparait à manger», a-t-elle confié au Tribunal ad hoc. Lors de sa déposition, Khaltouma, ancienne hôtesse de l’air arrêtée alors que son avion faisait escale à N’Djamena, a donné plus de détails sur sa mésaventure vécue dans un camp militaire : «A Ouadi Doum, le soir, deux femmes sur six étaient utilisées à tour de rôle comme les esclaves sexuelles des soldats. C’est honteux. C’était prémédité, on nous administrait des médicaments pour ne pas avoir de bébé». Quant à elle, Merami a déclaré avoir été violée plusieurs fois alors qu’elle n’avait que 12 ans. Aujourd’hui, avec la plaidoirie des avocats des victimes qui démarrent ce lundi, après une suspension de deux mois, il est attendu les éléments de preuve attestant ces nouvelles accusations.
Selon le calendrier prévisionnel des Chambres africaines extraordinaires, les avocats des victimes vont ouvrir le bal. Et leurs plaidoiries vont se poursuivre durant deux jours. Le réquisitoire du Parquet est attendu le mercredi 10 février, c’est-à-dire après demain. Celui-ci devrait donner lieu aux plaidoiries des avocats de la défense prévues, selon la Cellule de communication du Tribunal spécial, les 11 et 12 février prochains. Seulement, la défense de Habré va poursuivre son boycott des audiences, comme il en est le cas depuis le début du procès le 7 septembre dernier. «Les plaidoiries, conformément à la stratégie de défense du Président, ne seront pas présentées devant les Chambres», annonce un communiqué du pool des conseils de Habré. Ils dénoncent une instruction exclusivement à charge et des violations des droits de leur client. Restera enfin le verdict sur la peine, les amendes et les dommages et intérêts. «Le prononcé de la décision sur l’action publique est prévu en fin mai. Pour l’action civile (réparation des dommages), la décision interviendra au plus tard le 31 juillet 2016. A partir de cette date, les parties ont 15 jours pour faire appel», rapporte la même source.