Ce n’est pas tous les jours que les détenues femmes parlent. Et même s’il arrive qu’elles le fassent, cela reste entre les quatre murs de la prison. Cela n’arrive pas très souvent. L’occasion est si rare, voire rarissime. Ce fut des échanges libres entre détenues et avocats, vendredi 11 septembre dernier, lors d’une visite des jeunes avocats. Nous sommes à la Maison d’arrêt et de correction pour femmes de Rufisque.
Une prison qui a la particularité de ne recevoir que des individus de sexe féminin. Elle accueille aussi bien des détenues provisoires que des condamnées. Ce pénitencier a été rendu célèbre, dans le passé, par des évasions spectaculaires impliquant quatre ressortissantes étrangères condamnées pour trafic de drogue.
C’était lors de la journée sans femmes dans les prisons décrétée par l’ancien régime. Une occasion au cours de laquelle une Sud-africaine, une Française et deux autres trafiquantes de drogue avaient réussi à se faire la belle. Ce qui avait valu des sanctions disciplinaires et pénales aux responsables d’alors de cette prison pour leur «négligence et complicité». Dans cette prison, on y retrouve des femmes enceintes, des femmes allaitantes ainsi que des enfants âgés de moins de trois ans mais incarcérés avec leurs mamans. Ces mineurs ne sont autorisés à quitter leurs mères qu’à l’âge de trois ans. Ce «sevrage brutal» est mal perçu par leurs mamans.
Ici, les détenues ne sentent pas le poids de la détention. La joie se lisait sur les visages, les sourires faisaient oublier même qu’elles sont en prison. C’est dans une ambiance particulière que cette visite des membres de l’Association des jeunes avocats du Sénégal (Ajas) s’est déroulée au pénitencier de la Vieille ville. Les détenues sont toutes assises faisant un bloc en face du groupe d’avocats dirigé par Me Ousmane Thiam et sa délégation composée, en majorité, d’avocats-stagiaires.
Ces prisonnières ont exprimé leurs plaintes et complaintes devant les robes noires chargées de défendre les personnes en conflit avec Dame justice. Elles sont détenues soit pour «trafic de drogue», soit pour «infanticide, coups et blessures volontaires, consommation de chanvre indien, vol, conflit de voisinage» ainsi que des infractions liées à la prostitution. Certaines d’entre elles en détention avant jugement sont emprisonnées depuis plusieurs années sans être jugées. D’autres, déjà condamnées, peinent à bénéficier de libération conditionnelle ou de grâce présidentielle. Leur porte-parole, une détenue de nationale guinéenne en détention pour une affaire de drogue, rapporte les doléances de ses codétenues.
Pourtant de nationalité étrangère, c’est dans un Wolof clair qu’elle a exprimé les attentes de ses codétenues par rapport aux jeunes avocats. «Je suis étrangère mais je parle bien le wolof maintenant. Ici, il n’y a pas de surpeuplement et de problème de repas. Nous sommes toutes bien traitées. Notre seul problème, ce sont les longues détentions», a témoigné la bonne dame détenue depuis 5 ans 6 mois. Ici, la plus longue détention préventive est de huit ans. Et la plus longue condamnation est de dix ans.