Si From Médina du chanteur Pape Birahim avait marqué les esprits l’année dernière, la saison estivale 2015 qui tire à sa fin reste appauvrie en nouveauté. Difficile de désigner un tube de vacance.
Difficile aussi de trouver un morceau qui fait chantonner ou fait danser les mélomanes. Pourtant, il y a eu des sorties d’albums et de singles, notamment Ndeweneul de Waly Seck, Rakkaju de Pape Diouf. La crise musicale et le mélange des rôles sont passés par là, selon les professionnels.
Que ce soit du côté des mélomanes, des animateurs ou des vendeurs de supports phonographiques, le constat est le même : Pas de tube de l’été 2015 ou chanson de vacance. Les raisons avancées sont diverses et variées. Mbayang Sarr, mélomane, suppose que ce soit lié à une panne d’inspiration de la part des chanteurs et musiciens sénégalais. Mais l’animateur de la Radiodiffusion télévision sénégalaise (Rts), Dj Prince, croit que cela est dû à la crise générale que travers la musique. «Il faut oser le dire, la musique sénégalaise souffre de producteur et de promoteur», analyse-t-il. Selon lui, le tube de l’été nécessite un concours d’éléments : D’abord, il faut au préalable la sortie d’un album. Et dans celui-ci, qu’il ait un morceau dont l’orchestration, le texte et les refrains simples, accroche les mélomanes. «Tout cela n’existe plus aujourd’hui, d’où l’absence de tube de l’été», note Dj Prince qui estime que c’est parce que le marché du disque ne marche plus. Il n’y a pas de production, faute de producteur, pas d’évènements musicaux qui attirent beaucoup de monde.
Les tubes se ressemblent et s’assemblent
Une autre raison est aussi avancée par l’animateur. Selon Dj Prince, c’est parce que les tubes qui sortent se ressemblent et s’assemblent. «Les mêmes agents font les arrangements et la production pour la majeure partie des artistes, du coup, on a les mêmes sonorités musicales, consommées par les mélomanes qui sont saturés par la même chose», fait comprendre le manageur.
Dj You, animateur à Walf Tv et Fm, fait le même constat que Dj Prince. Selon lui, les nombreuses difficultés dont rencontrent les artistes, font qu’ils ne sortent plus d’album. «Les artistes ne produisent maintenant que des singles pour s’en sortir, car les gens n’achètent plus les albums», dit-il. La piraterie a gagné de la place dans le milieu musical. Les pirates ne laissent plus le droit aux artistes de vivre de leur production. Ils font la copie d’un Cd et il suffit d’aller consulter l’internet pour écouter l’intégralité de l’album. «Les artistes produisent et les pirates gagnent de l’argent sur leur dos», se désole l’animateur. Il indexe aussi les câbleurs-distributeurs qui donnent aux gens l’opportunité d’écouter un album à domicile sans l’avoir acheté. Ce qui aggrave la situation des artistes. Pour Dj You, à cause de la conjoncture, les artistes ne disposent plus de subventions à la production.
La piraterie, un frein
La piraterie joue aussi sur la création musicale des artistes, fait savoir l’animateur. «C’est le principal frein des musiciens, car il joue sur leur mentalité. Chacun préfère sortir son propre single, faire sa propre promotion et organiser des soirées dans le but de vendre main en main les cassettes (cd) à ses fans. Il organise aussi des caravanes et fait du porte à porte pour vendre leur produit», explique-t-on. Selon lui, ce circuit peut ne pas être satisfaisant.
Les remix sont aussi pointés du doigt. Dj You pense que l’artiste doit avoir le sens de la créativité. «Être artiste, c’est être créatif», lance-t-il. S’inscrivant dans la même lancée, Dj Makhou de Walf Fm estime qu’à côté de la piraterie il y a le manque de producteurs qui pousse les musiciens à faire le plus de singles possibles. « Les artistes organisent des soirées dans des restaurants ou des cabarets pour pouvoir gagner un peu d’argent». Selon Makhou si certains musiciens continuent à sortir des albums c’est pour exister, pour enrichir leur presse book. L’internet donne de plus en plus de place à la piraterie. Ainsi selon Dj Makhou, les chanteurs utilisent les réseaux sociaux pour faire exister leur production. Sur le constat du ralentissement de la création artistique en général, l’animateur Makhou, croit que c’est parce que «les artistes sont convaincus de l’ampleur de la piraterie et ils n’ont pas encore de solutions, c’est pourquoi ils ne se délassent plus pour produire au profit des pirates».
Dj Prince rajoute aussi le mélange des rôles dans la sphère musicale. Selon lui, le directeur artistique se confond avec le compositeur, alors que chacun joue un rôle différent.
Fatou K. SENE