L’élection présidentielle de mars 2024, remportée par Bassirou Diomaye Faye, a redessiné les cartes de la vie politique sénégalaise. Le paysage est désormais marqué par une nette bipolarisation. D’un côté, «Diomaye-Président», la coalition victorieuse autour de Pastef – Les Patriotes et de ses alliés détient les principaux leviers institutionnels : présidence de la République, gouvernement et Assemblée nationale. De l’autre, l’Apr, le Pds, Rewmi et plusieurs formations de gauche, de droite et du centre, qui, malgré leur présence dans de nombreuses collectivités locales, peinent à retrouver leur souffle. Depuis la défaite, l’opposition, semble, en effet, chercher la bonne formule. Beaucoup concentrent leurs attaques sur Ousmane Sonko, figure centrale du jeu politique et institutionnel qui divise autant qu’elle mobilise. Parallèlement, une stratégie de «double jeu» semble se dessiner : ménager le Président Diomaye Faye, attaquer son Premier ministre, tout en tentant d’exploiter au maximum les divergences entre les deux têtes de l’Exécutif.
Dans ce contexte, les visages les plus visibles ne sont pas toujours les chefs historiques. Ce sont souvent des lieutenants très présents dans les médias et sur les réseaux sociaux. Macky Sall et Karim Wade se contentent de mobiliser leurs troupes à distance. Idrissa Seck, lui, a choisi le silence. Amadou Bâ, arrivé deuxième au dernier scrutin présidentiel, adopte une posture mesurée, évitant à la fois l’opposition frontale au nouveau pouvoir et les alliances trop visibles avec ses anciens concurrents.
Il est à remarquer que la néo-opposition souffre de querelles d’ego -aucun leader de la taille de Sonko n’émerge jusque-là-, de fractures internes et d’absence de vision commune. A la place, on note plutôt des échappées solitaires : Barthélémy Dias, Bougane Guèye, Thierno Bocoum… Faute de leadership incontesté, l’opposition apparaît morcelée et peine à incarner une alternative crédible face à un pouvoir solidement installé et fort d’une légitimité populaire incontestable. Ses slogans usés et les alliances de circonstance ne suffisent plus à séduire un électorat jeune — plus de la moitié des Sénégalais ont moins de 35 ans — et de plus en plus exigeant. Reproduire la stratégie offensive de Pastef n’est pas forcément la bonne solution : ce modèle n’est pas transposable et pourrait s’avérer contre-productif.
Ainsi, pour espérer rebondir, l’opposition doit se réinventer. Cela passe par un discours clair, adapté aux préoccupations de la jeunesse, un travail de terrain régulier et une présence dans le débat public qui ne se résume pas aux polémiques. Le renouvellement générationnel est également incontournable. Les figures appelées à incarner ce changement devront être de la même génération que les dirigeants actuels. Cette leçon semble avoir été retenue par Macky Sall. Le Président de l’Apr a récemment rajeuni le directoire de son parti. En première ligne : Hamidou Anne, Pape Malick Ndour, Pape Mahawa Diouf ou encore Aminata Guèye.