La stratégie est digne d’un des plus grands films d’espionnage. Si leur emplacement précis, le long de la frontière russe, est encore tenu secret, l’existence de 12 bases américaines en Ukraine a été révélée par le New York Times, dans une longue enquête publiée ce dimanche 25 février.
Souterraines ou nichées dans une forêt, ces bases militaires sont “presque entièrement financées et en partie équipées” par la Central Intelligence Agency (CIA), rapporte le journal américain. Ainsi, cette agence, ainsi que d’autres antennes du renseignement américain, fournissent des renseignements sur des frappes russes, traquent l’armée de Moscou pour en suivre les mouvements et soutiennent les réseaux d’espionnage.
Alors que l’Ukraine et la Russie entrent dans leur troisième année de conflit armé, les opérations de la CIA dans ce pays d’Europe centrale ont commencé bien avant l’offensive de la Russie.
En 2014, après le renversement du gouvernement pro-Kremlin du pays, et la fuite de l’ex-président Viktor Ianoukovitch et de ses chefs de l’espionnage vers la Russie, le nouveau chef du renseignement ukrainien, Valentyn Nalyvaichenko, aurait fait appel à la CIA et au MI6 britannique. L’objectif étant de bâtir un partenariat et de reconstruire l’agence ukrainienne, dont les ordinateurs avaient été effacés ou infectés par des logiciels malveillants russes.
Opération “Goldfish”
La CIA aurait commencé à envoyer des équipements en 2016, à commencer par des “radios cryptées et des dispositifs permettant d’intercepter les communications secrètes de l’ennemi”, détaille le quotidien américain. Au-delà de l’aspect purement matériel, l’agence américaine aurait également supervisé un programme de formation “pour apprendre aux agents des services de renseignement ukrainiens à adopter de manière convaincante de fausses identités et à voler des secrets en Russie et dans d’autres pays experts dans l’extermination des espions”.
Ce programme, baptisé “Operation Goldfish” (poisson rouge), aurait permis de former des officiers, qui ont par la suite été déployés dans les 12 bases en Ukraine. Rassemblés au sein d’une équipe connue sous le nom d’”Unité 2245″, ces soldats auraient notamment volé des drones et du matériel de communication russes afin de les transmettre à la CIA pour qu’elle puisse les analyser. L’un des officiers de l’unité était Kyrylo Boudanov, aujourd’hui général à la tête des renseignements militaires ukrainiens, rappelle le New York Times.
A l’époque, l’agence américaine était supposée renforcer les services de renseignement de Kiev, “sans provoquer les Russes”, précise le journal dans son enquête. Mais la donne va changer avec l’invasion russe du 24 février 2022 et le soutien en matière de renseignement est rapidement renforcé.
La CIA aurait également permis de déjouer un complot contre le président, Volodymyr Zelensky, selon un haut responsable ukrainien interrogé par le quotidien, alors que les services russes tentent régulièrement d’assassiner des hauts responsables du camp ennemi.
Un partenariat suspendu au Congrès américain
Aujourd’hui, les journalistes du New York Times affirment que “ces réseaux de renseignement” ont transformé l’Ukraine en “une plaque tournante de collecte de renseignements qui a intercepté plus de communications russes que la station de la CIA en Russie”. Et ce, même si la continuité de ce partenariat est toutefois menacée par le blocage de l’aide militaire américaine au Congrès, à majorité républicaine.
Dans l’objectif d’afficher son soutien à Kiev, mais également d’en rassurer ses dirigeants, le directeur de la CIA, William J. Burns, s’est rendu en Ukraine, jeudi 22 février, dans le cadre d’une visite secrète – la dixième depuis le début de la guerre.
L’Express