Le ministre de la Justice, a fait face, mardi dernier, à la presse, pour se prononcer sur la cascade de libérations de détenus dits «politiques». En soutenant que tous les dossiers ont été examinés «au cas par cas», Me Aïssata Tall Sall semble enfoncer les magistrats du parquet.
Face à la presse mardi dernier, pour justifier cette situation, Me Aïssata Tall Sall a fait savoir que les dossiers des 344 personnes libérées ont été examinés au cas par cas. «Il n’y a jamais eu de libération massive, ni sur la tête du client», tente-t-elle de justifier pour couper court aux allégations selon lesquelles ces détenus ont été élargis de prison grâce à un dialogue indirect entre Ousmane Sonko et Macky Sall. L’avocate veut faire croire à l’opinion qu’entre le 15 et le 17 février 2024, le parquet de Dakar a traité de fond en comble tous ces dossiers. Ce qui parait utopique au regard de la configuration de la magistrature sénégalaise. «En annonçant le nombre de personnes à libérer, c’est-à-dire les 272 détenus restants, elle confirme que les juges exécutent une commande politique. Et c’est ce qui est grave», souffle une source judiciaire.
Selon un juge qui a requis l’anonymat, les autorités, en l’occurrence le président de la République, «anticipent sur d’éventuelles poursuites pour crimes contre l’humanité». Selon notre source le «ministre et le chef de l’Etat peuvent être poursuivis au titre de la responsabilité du supérieur hiérarchique». «Or, l’une des conditions d’engagement de cette forme de responsabilité c’est que le supérieur n’ait pris aucune mesure pour empêcher le crime, faire cesser le crime ou punir les auteurs», soutient notre interlocuteur. Par ailleurs, plusieurs faits contredisent l’argument brandi par la patronne du mouvement «Oser l’avenir». Le nombre insuffisant de magistrats (546, chiffre de 2019) décrié par les différents présidents de l’Ums en fait partie. Comme les défenseurs des droits humains, ces derniers justifient les longues détentions préventives par cet état de fait. Et la grève des détenus de la prison de Ziguinchor qui demandent à être jugés en temps raisonnable en est une preuve patente. Plusieurs détenus de droit commun, au moment où les autorités libèrent des individus poursuivis pour des délits criminels, croupissent en silence en prison en attendant l’enrôlement de leurs dossiers.
L’autre élément qui démonte cette justification de Me Aïssata Tall Sall, est la sortie médiatique, le 18 janvier dernier, de Mes Mame Adama Guèye, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats, et l’avocat Moussa Sarr. Dans un panel qu’il animait, ce jour, Me Moussa Sarr avait soutenu que beaucoup de dossiers de ces détenus dits politiques ont été bouclés, puis envoyés au parquet. «Des dossiers sont au parquet depuis plusieurs semaines voire des mois. Ces dossiers ne font pas jusqu’à présent l’objet d’enrôlement», avait-il révélé. «La règle basique impose à la justice de respecter la loi avant d’aller vers des réformes profondes. L’affaire Alioune Sané est emblématique. Il est en prison au gré du procureur. Juan Branco, interpelé pour des faits aussi graves, a obtenu une liberté provisoire alors qu’il ne dispose d’aucune garantie de représentation. Alors que la condition sine qua none d’accorder une liberté provisoire à un individu, c’est d’abord qu’il présente une garantie de représentation. C’est-à-dire de pouvoir se présenter quand on a besoin de vous», avait ajouté Me Mame Adama Guèye.
Salif KA