Entendre le Parti démocratique sénégalais (Pds) jeter l’opprobre sur les «Sages» du Conseil constitutionnel, parce que simplement leur candidat a été recalé pour la présidentielle du 25 février 2024 n’est sans doute pas loin de la folie… des grandeurs. Les autres candidats recalés, après que les «Sept Sages», ont mordillé leurs crayons et sorti leur loupe, doivent sans doute rire sous cape.Comme atteint d’allergies saisonnières, le parti des Wade s’illustre, depuis son retour dans l’opposition, par une méfiance envers ces juges qui ont la lourde responsabilité d’arbitrer les conflits politiques, dont présentement la vérification de la conformité des candidats à la présidentielle du 25 février 2024 ; notamment après l’invalidation de Wade-fils en 2019. En effet, depuis qu’il a douché les espoirs de plus de 200 prétendants à la Magistrature suprême sur la ligne de départ en publiant une première liste de 21 candidats, le Conseil constitutionnel est critiqué à tort ou à raison. Mais, pour avoir donné suite à la requête du candidat Thierno Alassane Sall, qui a protesté contre la candidature de Karim Wade pour double nationalité, l’organe suprême est voué aux gémonies par les partisans de Wade-fils. Ce qui n’est pas sans susciter des interrogations : de quel droit doit-on jeter à la vindicte populaire les membres de cette plus haute juridiction du pays parce que simplement Monsieur Wade n’est pas candidat ? Karim est-il plus digne que le plus grand opposant du régime de Macky Sall, Ousmane Sonko, lui aussi tristement recalé par ce même Conseil constitutionnel ? Pour autant, les partisans de Monsieur Sonko ne sont pas allés plus loin que ceux du Pds qui parlent de corruption pour troubler les esprits et tenter de rabattre les cartes.Mais, ces graves accusations contre les juges du Conseil constitutionnel par le Pds ne peuvent que rappeler, tristement, l’assassinat de Me Babacar Sèye, vice-président du Conseil constitutionnel du Sénégal, le 15 mai 1993, au lendemain de la publication des résultats des élections législatives. Une affaire qui avait donné lieu à de nombreuses polémiques et dans laquelle des membres de cette même formation politique, principal parti d’opposition au Parti socialiste, d’Abdou Diouf à l’époque, avaient été inculpés. La suite, tout le monde la connaît. Une fois aux affaires, après la première alternance politique de 2000, le Pds et ses ouailles avaient voté une loi d’amnistie en faveur des auteurs et commanditaires de ce crime politique odieux.Mais, aujourd’hui, le plus intriguant dans cette affaire, c’est le fast-tract avec lequel l’Assemblée nationale a accepté de traiter la demande de la Commission d’enquête parlementaire que le Pds a demandée pour enquêter sur des faits de corruption au Conseil constitutionnel durant le processus électoral de la présidentielle. En effet, personne ne semble comprendre pourquoi le chef de l’Etat sortant a cautionné cette mise en accusation des «Sept sages» en demandant à la majorité parlementaire de soutenir l’action du Pds pour que la lumière soit faite sur cette affaire de corruption de juges constitutionnels. Sans doute, comme le soupçonnent certains, en vue de pousser à l’installation d’une crise institutionnelle qui pourrait mettre le pays dans l’incapacité de tenir la Présidentielle à date échue. Cela, comme le théorisent les officines de complot de son système qui manœuvrent pour faire reporter le scrutin du 25 février.
Seyni DIOP