L’Etat est dans une position délicate. Désormais, il lui sera difficile voire impossible de diminuer les denrées de grande consommation. La guerre en Ukraine a entraîné une flambée du prix du blé. Ce qui, sans doute, va se répercuter sur les prix de la farine et du pain.
Les consommateurs sénégalais risquent de payer le prix fort de la guerre qui se déroule à mille lieues de nous. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a déjà occasionné une hausse des prix du pétrole et du blé ; une céréale qui sert à fabriquer le pain. Le baril a franchi la barre des 100 dollars et le blé a augmenté de 5 %. Renoncer aux droits de douanes et à la Tva sur le blé, pour empêcher une éventuelle hausse du prix du pain est très peu probable. De l’avis du président de l’association des meuniers du Sénégal, même si cette hausse ne sera pas brusque, on pourrait en arriver. «On s’est déjà couvert au moins pour deux mois. Mais, si la tendance haussière se maintient, l’État n’aura aucun levier pour interdire l’augmentation du prix de la farine et éventuellement du prix du pain», affirme Claude Demba Diop.
Selon lui, l’Etat ne dispose plus d’autres leviers pour entraver une augmentation du prix du pain car, il a déjà épuisé ses réserves. «Dans deux mois, si les cours mondiaux continuent d’augmenter, il y aura inéluctablement une augmentation du prix d’acquisition du blé. Et si le prix de la farine augmente, on sera obligé de répercuter ça sur le prix du pain», prévient le président des meuniers du Sénégal.
Et d’ajouter : «Nous avons constaté une hausse sur les bateaux que nous venons de commander. Et on s’attend à une hausse beaucoup plus importante dans les jours à venir, s’il n y a pas d’accalmie entre la Russie et l’Ukraine».
A en croire le directeur du commerce intérieur du Sénégal, cette tendance haussière du blé ne peut pas se répercuter brusquement sur le prix de la farine, encore moins sur celui du pain. «Il faut examiner l’évolution des coûts sur une période d’un voire deux mois, pour voir quelles sont les tendances. Et si cette tendance se maintient, c’est vrai que les meuniers qui vont acheter du blé plus cher vont vouloir le répercuter sur le pain», souligne Oumar Diallo qui n’exclut pas une hausse du prix de la farine dans un avenir pas si loin. «Si les coûts du blé continuent d’augmenter, c’est clair que la farine va augmenter», a-t-il affirmé.
En effet, l’économiste Mor Gassama rappelle que l’Etat avait renoncé à plusieurs taxes sous la pression des meuniers. De son côté, l’économiste Meissa Babou soutient que le Sénégal n’est pas en mesure de sortir un franc sur ses biens de consommation, sinon ce serait une «catastrophe financière» que le Trésor public ne pourrait pas honorer. Par ailleurs, Meissa Babou souligne également que le niveau d’endettement de l’Etat du Sénégal réduit sa marge de manœuvre. «Avec un service de la dette qui frise les 90 milliards par mois, il n’a plus les moyens de subventionner», dit-il.
Pour éviter de subir des chocs exogènes et réduire la dépendance du Sénégal vis à vis de l’extérieur, l’enseignant chercheur à l’Insep de l’université Cheikh Anta Diop (Ucad), Mor Gassama préconise la promotion du consommer local, notamment la fabrication du pain à base de mil. Malheureusement, selon lui, les gens parlent beaucoup de consommer local, mais personne ne fait rien pour sa promotion.
Khady GUEYE