S’il y a en qui doivent se réjouir d’être Sénégalais, ce ne sont sans doute pas les opposants. Car, depuis bientôt 9 ans, le jeu favori du régime, c’est étêter toute personne qui émerge. Après Karim Wade et Khalifa Sall, liquidés au premier mandat, Ousmane Sonko, aujourd’hui le dernier rempart politique, est sur le point d’être fusillé sur la place publique. Et cette attitude je-m’en-foutiste, attentatoire à la démocratie sénégalaise jadis exemplaire, donne raison avant l’heure à Abdou Latif Coulibaly dans son livre : «Une démocratie prise en otage par ses élites».
Ce qui est en train de se tramer sous nos yeux est scandaleux. Depuis l’arrivée au pouvoir du système de Macky Sall, tous les opposants significatifs sont presque emprisonnés pour des affaires, soit de détournement, soit de mœurs. Karim Wade, Khalifa Sall, hier, et Ousmane Sonko aujourd’hui, il est dangereux d’être opposant dans le Sénégal de Macky Sall. Et si ce n’est pas une affaire de gros sous qui est collé aux opposants, c’est une affaire de mœurs comme c’est le cas aujourd’hui contre Ousmane Sonko et Malick Gakou avant lui. Ce qui est un précédent dangereux pour ce pays qui risque de basculer dans la dictature, déjà que tout se fait par la volonté d’un seul homme. Et demain, les Sénégalais vont pleurer sur leur sort avec la mise en hors -jeu honteuse du dernier rempart de la classe politique. En effet, si la Dic, pardon Digue, la gigue, cède, que le leader de Pastef/Les Patriotes est liquidé politiquement, le Sénégal n’aura plus d’opposant crédible qui peut encore donner une once d’espoir aux populations qui cherchent la queue du diable pour la tirer. Et cela pose sérieusement un problème d’éthique politique dans une démocratie. Parce qu’on ne peut pas qu’à chaque fois qu’une tête émerge la couper et annihiler toute force d’opposition, réduite à sa plus simple expression.
Il est ainsi désopilant, cette ruse grossière contristant qui consiste à décapiter tous les opposants au système en place. Et le fait que les jeunes partisans de Sonko aient transformé la capitale et certaines régions en brasier prouve à suffisance que les gens en ont marre. Pour moins que ça, la Tunisie du tout puissant Ben Ali était tombée avant d’ouvrir la voie au Printemps arabe.
Les ambassades et les institutions partenaires qui pensent trouver un exemple de démocratie en Afrique au Sénégal, alors que tout est demi teinte, sont tous complices de cette situation ubuesque. Laquelle fait que même là où ça ne brûle pas, ça brûle dans la tête, et s’apparente au Vae victis, «Malheur aux vaincus» en latin.
En tout cas un pays ne devrait pas fonctionner comme ça. C’est une erreur colossale que de penser, comme l’a souligné le député Ousmane Sonko hier, tout est rapport de force parce que simplement on a plus d’un tour dans leur sac. Ainsi, avec ce mode de gouvernement, on est en train de jouer avec le feu dans ce pays. Parce que cela voudrait dire que lorsqu’on a des adversaires politiques dangereux, on peut les emprisonner à la moindre peccadille.
Seyni DIOP