A peine la «Liste (quota) par commune des ménages bénéficiaires de l’aide alimentaire liée aux effets de la pandémie du Covid-19» publiée et les denrées acheminées, des voix s’élèvent pour attirer l’attention sur des milliers de ménages pauvres qui risquent d’être laissés en rade. Après Thiès dont le maire de la ville, Talla Sylla, a alerté sur cette situation, c’est au tour l’édile de Bignona d’annoncer un recensement complémentaire pour être sûr d’enrôler tous les ayants droit de sa commune.
Le parfum de scandale qui pollue le marché du transport de l’aide alimentaire d’urgence liée aux effets du coronavirus (Covid-19) épargnera-t-il la distribution de ces vivres aux ménages cibles ? Alors que le convoyage de ces denrées dans les différentes régions du pays est en cours, la clé de répartition dévoilée dans la «Liste (quota) par commune des ménages bénéficiaires de l’aide alimentaire liée aux effets de la pandémie du Covid-19» commence à susciter des tensions et grincement de dents au sein de certaines communes. Pour cause, partant de cette liste des bénéficiaires publiées, certains craignent «que ces vivres alimentaires ne soient pas octroyés aux ayants droit c’est-à-dire les ménages les plus démunies».
Ce quota des ménages bénéficiaires de l’aide alimentaire publié par le ministre du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale, Mansour Faye, devrait recevoir 140 000 tonnes de vivres qui seront distribuées à l’échelle nationale. Toutes les 553 communes du Sénégal sont concernées, tout département et toutes régions confondues. Toutefois, il est important de préciser que les 588 045 ménages sont d’ores et déjà connus à partir du Registre national unique (RNU) qui est la base de données, composé de ménages vulnérables sélectionnés il y a 2 ans. Ce fichier est régulièrement mis à jour et la différence de 411 955 ménages sera recherchée à partir d’un ciblage géographique et à partir de la carte de la pauvreté. La répartition communautaire sera réalisée à partir des communes elles-mêmes.
Seulement, au moment où une corruption supposée infeste le marché du transport de ces vivres, certains doutent déjà de la transparence du processus et une politisation de la répartition de ces denrées au détriment des vrais bénéficiaires dans certaines localités. A Thiès, par exemple, le maire de la ville, Talla Sylla alerte déjà. Des pontes politiques jettent déjà leur dévolu sur les vivres. Et, parallèlement, à Bignona, la population doute de la transparence et soupçonne des manigances politiques ; alors que la maire, Mamadou Lamine Keita annonce un autre recensement pour ne laisser aucun ayant droit en rade.
Toutefois, tout porte à croire que l’Etat semble prévenir un scénario où certains ménages vulnérables ne figureraient pas dans sa liste. En effet, même si la liste actuelle ne prend en compte que le nombre de ménages inscrits au Registre national unique (RHU) et ceux dits vulnérables au Covid-19, il est prévu une marge. Il s’agit d’un quota de 40 749 ménages qui est réservé pour la prise en charge de groupes vulnérables spécifiques, au bas du tableau.
LA COMMUNE AISEE DE THIES-OUEST BENIFICIE DE PLUS DE VIVRES, AUX DETRIMENT DES NECESSITEUX : Talla Sylla réclame des correctifs
A Thiès, sur 44 000 ménages, pour une population de 380 000 habitants, seuls 15874 ménages démunies recevront l’aide alimentaire de l’Etat du Sénégal. Mais, la clé de répartition a suscité la colère du maire de la ville, Talla Sylla. En effet, la commune de Thiès-Est, qui compte plus de 130 000 habitants ne verra que 4667 ménages cibles bénéficier de l’aide alimentaires d’urgence. La commune de Thiès-Ouest, considérée sur le registre comme étant la plus pauvre compte en réalité la plus faible de population et plus de quartiers résidentiels. La dite commune est fief du ministre de l’Economie numérique, Ndeye Tické Ndiaye, des anciens Premiers ministres Idrissa Seck et Adjibou Soumaré, des anciens ministres des Finances Abdoulaye Diop et Amadou Kane, de l’ancien ministre de la Santé Safietou Thiam. Enfin, la commune de Thies-Nord qui compte 104 000 habitants aura 5190 ménages bénéficiaires.
Selon l’édile de la cité du rail, Talla Sylla, cette répartition ne correspond pas à la réalité. Il espère ainsi que des correctifs vont être apportés à la répartition du quota. En attendant, Talla Sylla indique qu’il «va travailler pour voir comment ajouter au Registre nationale unique les démunis que nous pouvons identifier à partir du Comité de quartier inclusif», argue-t-il.
De son côté, le gouverneur de la région de Thiès, Moustapha Ndao, assure que des «compléments seront apportés au RNU qui constitue la base de données des ménages vulnérables». Et de reconnaître que «la demande est forte», non sans promettre de tout faire pour que l’aide alimentaire destinée aux ménages vulnérables parvienne aux ayants droit.
BIGNONA – ENROLEMENT DE TOUS LES MENAGES VULNERABLES : Mamadou Lamine Keita annonce des recensements complémentaires
Autre commune, même constat. A Bignona, un chef-lieu de département de la région de Ziguinchor, des habitants s’inquiètent déjà de leur sort depuis la sortie du chef de l’Etat, le vendredi 3 avril. Ils ne sont pas recensés ; ainsi dénoncent-ils déjà une répartition non inclusive. Des propos réconfortés par le maire de leur ville, Mamadou Lamine Keita, qui était l’invité de l’émission «Heure de vérité» sur Sud FM (station régionale de Ziguinchor). «Il y’a des quartiers sur Bignona où tous les ménages sont pris en compte. D’autre part, parmi ceux qui étaient enregistrés antérieurement dans le cadre des bourses de sécurité familiale, certains sont encore sur la liste d’attente : on les appelle ménages inscrits dans le RNU. Ces ménages font deux tiers (2/3) du quota et le tiers restant est partagé entre les différentes localités de Bignona», a t-il précisé. Toutefois il rassure que des recensements complémentaires sont en cours pour stabiliser définitivement la liste.
Sud Quotidien