Dans un rapport publié lundi 9 décembre, les Sages de la rue Cambon pointent sévèrement la gestion de l’Ordre des médecins.
Un rapport accablant. Agressions sexuelles sanctionnées “bien après des sanctions pénales”, comptes “souvent incomplets et insincères”, indemnités “indûment perçues” : la gestion de l’Ordre des médecins se caractérise “par des faiblesses, voire des dérives préoccupantes”, estime la Cour des comptes dans un rapport publié lundi 9 décembre. Le “fonctionnement” de cette institution “ne s’est pas assez modernisé” et “des missions importantes qui justifient son existence” comme le suivi de l’obligation de formation continue ou du respect des règles déontologiques des médecins “sont peu ou mal exercées”, poursuivent les Sages de la rue Cambon.
Dans un communiqué, le Conseil de l’Ordre a dit contester le rapport “sur le fond et sur la forme”. Il “s’étonne” que “plusieurs missions essentielles assurées par l’institution soient passées sous silence” et exprime “son profond désaccord sur l’analyse, qu’il juge parcellaire, de l’efficacité des missions” étudiées. En février, le Canard Enchaîné avait dévoilé le contenu d’une version provisoire de ce rapport, poussant l’Ordre à “contester avec force” certains points et à défendre une gestion “plus saine aujourd’hui qu’elle ne l’était hier”. “Les constats de la Cour ont conduit l’ordre des médecins à mettre en oeuvre en 2019 quelques-unes” de ses recommandations “et à annoncer des mesures correctrices”, précisent les Sages dans le document définitif.
Un tableau peu reluisant
Mais le tableau dressé reste très critique. La Cour dénonce ainsi “un manque chronique de rigueur dans le traitement des plaintes”, notamment en matière de viols ou d’agressions sexuelles. “L’analyse d’une cinquantaine de décisions rendues entre 2016 et 2017 révèle l’existence d’irrégularités de procédure (…) ou un manque de diligence dans le traitement des dossiers”, soulèvent les Sages. “Les poursuites et sanctions disciplinaires interviennent souvent bien après des sanctions pénales”, ajoutent-ils. Ils citent le cas d’un médecin condamné pour agression sexuelle à six mois d’interdiction d’exercer par un tribunal correctionnel au début des années 2000, et que le conseil de l’Ordre n’a décidé de poursuivre au disciplinaire qu’en mai 2016, après une récidive “dont l’Ordre était informé depuis 2015”.
Autre constat : les risques de conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique ne sont pas suffisamment pris en compte. “La gestion des ressources humaines” devrait en outre “être professionnalisée, tant sont grandes les disparités de rémunérations et d’avantages sociaux”, estime la Cour, qui appelle à cesser “définitivement” les recrutements “favorisant les liens familiaux”. Elle suggère aussi d’ouvrir aux non-médecins la gouvernance de l’Ordre, par ailleurs peu représentatif de la profession : moins d’un tiers de ses conseillers sont des femmes (et seulement 9% au conseil national) “alors qu’elles représentent près de la moitié du corps médical et près de 60% des médecins nouvellement inscrits”.
Avec “plus de 300.000 médecins inscrits, l’Ordre dispose d’un budget annuel d’environ 85 millions d’euros”, selon la Cour.
Capital