Le régime de Macky Sall s’apprête à emprisonner un député pour des propos de campagne. Prenant le prétexte de l’affaire des 94 milliards de francs Cfa du titre foncier 1451/R, le système va attraire le président de Pastef/Les Patriotes en justice. Mais, emprisonner un parlementaire qui réclame la transparence sur une affaire de deniers publics, le gouvernement aura du mal à l’expliquer à l’opinion internationale braquée sur le Sénégal.
Ousmane Sonko doit sans doute être heureux comme un député attendant son procès. Avec ce qui se trame maladroitement dans le «Macky», le système va offrir une double victimisation à cet inspecteur des Impôts et Domaines radié de la Fonction publique, il y a trois ans. Une sanction qui a dopé sa cote de popularité dans le pays et dans la diaspora et qui a contribué, avec son discours de rupture, à faire de lui le troisième sur cinq candidats à la dernière élection présidentielle où beaucoup de ténors politiques sénégalais ont été recalés au parrainage citoyen instauré aux forceps par le régime en place.
Cet homme, qui fait très mal au «système» qu’il combat, a maladroitement mis sur la place publique la sombre affaire dite des 94 milliards de francs Cfa du titre foncier 1451/R dont un de ses cabinets de consultance défendrait les intérêts de tiers personne. Une affaire dans laquelle il a mouillé l’ancien Directeur des Domaines, Mamour Diallo, un de ses adversaires politiques. Et après avoir été blanchi par une commission d’enquête parlementaire, composé essentiellement de députés aux ordres, M. Diallo a esté en justice contre Ousmane Sonko pour diffamation. Cependant, force est de constater que M. Diallo semble agir sur consignes de ses patrons. Mais ces derniers risquent de subir les contrecoups du projet d’emprisonnement d’Ousmane Sonko qui se dessine. En effet, maladroitement, ils montrent à l’opinion nationale et internationale que le député est aujourd’hui persécuté sans relâche par la République dont il ne veut pas qu’une bande de copains s’amuse avec ses maigres ressources disponibles. De plus, l’homme a depuis longtemps mis au grand jour cette sombre affaire de 94 milliards de francs Cfa mais la justice roupille depuis lors. Sans doute que son argumentaire ne valait pas tripette. Ainsi, ce qui se prépare est un mauvais signal que le Sénégal enverrait au reste du monde. Parce que c’est le rôle d’un député que de contrôler l’Exécutif. Et pour ça, l’opinion nationale et internationale ne comprendrait pas qu’on lui cherche des noises au point de l’attraire devant la justice. Pis, dans les grandes démocraties, les propos d’un élu dans l’enceinte du parlement et en campagne électorale ne sont pas passibles de poursuites. Et, nos autorités politiques devraient prendre conscience que les Occidentaux qui vivent chez nous savent que les propos de campagne ne sont pas passibles d’emprisonnement. C’est une règle non écrite. De plus, certains caciques de ce système ont dit pire de l’ancien président Wade. Tout le monde se rappelle quand Niasse s’était débiné sur des accusations contre Wade dans l’affaire dite des «6 milliards de francs Cfa de la Sonacos. Moustapha Niass, qui avait accusé le Pds, lors d’un meeting en 2001 à Wack Ngouna, d’avoir détourné 6 milliards de la Sonacos pour financer sa campagne des législatives s’était débiné. «La voix que vous entendez est la mienne mais les propos ne sont pas de moi». Cette déclaration faisait ricaner plus d’un chez les libéraux. Et son avocat d’alors qui l’a finalement quitté pour Wade, Me Abdoulaye Babou, soutenait plus tard que Moustapha Niass s’est décrédibilisé dans l’affaire des 6 milliards de la Sonacos.
Aujourd’hui, après Karim Wade et Khalifa Sall, mettre en taule Ousmane Sonko mettrait le Sénégal sur la sombre liste des «démocraties» où il n’est pas bon d’être opposant politique.
Jadis démocratie exemplaire en Afrique, le Sénégal s’est très mal illustré ces dernières années, notamment avec l’adoption de la loi sur le parrainage des candidatures à l’élection présidentielle. Une astuce qui a permis au pouvoir en place d’éliminer de nombreux prétendants et de permettre à Macky Sall de facilement rempiler dès le premier tour. Un coup d’éclat savamment mitonné par son cabinet noir. Une pratique qui, avec l’emprisonnement de candidats sérieux à la course à la magistrature suprême de février dernier, n’est pas loin de flirter avec la cynique méthode d’un président qu’il fréquente beaucoup en Europe.
Seyni DIOP