La grâce accordée au Guinéen Woury Diallo, sur la base d’une erreur, et la violation de la procédure de nomination du Dg de l’Ipres renseignent sur une chose : la religion du président de la République est abusée dans la prise de décision. Ce qui, à ce niveau de responsabilité, est suffisant pour sonner l’alerte.
Ce serait exagéré de dire que la gouvernance des affaires publiques est en mode pilotage automatique. En revanche, ce ne serait pas hyperbolique de faire remarquer que, depuis quelques temps, des fautes se multiplient dans la chaine de prises de décisions administratives. La dernière en date étant la nomination d’un nouveau Directeur général de l’Ipres pour éteindre le feu qui s’était déclaré dans la maison des retraités entre l’ancien Dg, Sy Mbengue, et le Président du Conseil d’administration, Mamadou Racine Sy, d’une part, entre celui-ci et une partie des retraités. Tout compte fait, sans y mettre les formes, le président de la République s’invite dans la crise, non pas en appelant les protagonistes autour d’une table de discussions, mais en coupant la tête de Mamadou Sy Mbengue, installé dans ses fonctions le 02 avril 2014, appelé à faire valoir ses compétences à la tête de la Snhlm, le 2 octobre dernier, à l’issue de la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. Pour le remplacer, Macky Sall jette son dévolu sur Amadou Lamine Dieng, deux fois Dg de l’Onas sous Wade, ci-devant Dg de l’Agence nationale pour l’emploi des jeunes (Anpej). S’ensuit une levée de boucliers des syndicats-maison dont la puissante centrale, Cnts, arrivée en tête lors des dernières élections de représentativité et dont le Secrétaire général siège, à ce titre, au conseil d’administration de la boite.
Répondant au pied de nez présidentiel, Lamine Fall, adjoint de Mody Guiro, assure que lui et ses camarades vont combattre le décret de nomination du nouveau Dg. Dos au mur et conscient de la fragilité de sa position dans cette affaire, le président de la République fait machine arrière, rendant à Guiro et compagnie ce qui leur appartient, c’est-à-dire le pouvoir de désignation des dirigeants de la boite après appel à candidatures. Le chef de l’Etat ne faisant qu’officialiser ce choix dans un décret. Ne fallait-il pas commencer par-là ? Ou Macky Sall a été abusé par ses super pouvoirs et/ou ses conseillers qui n’ont pas eu, à temps, la diligence de lui signifier qu’il s’engageait sur un terrain glissant ? Dans l’un ou l’autre des cas, c’est suffisamment grave pour être souligné en ce que le président de la République est la personnalité publique la plus conseillée et dont les décisions sont les mieux préparées. Une armée de conseillers – techniques ou spéciaux- sont chargés de la préparation des textes à soumettre à sa signature. Ce, compte non tenu du travail de fourmis mené par le service législatif du secrétariat général du gouvernement dont le rôle est, entre autres, de détecter les éventuels vices de forme ou de procédures, les illégalités potentielles des mesures administratives, les incompétences et autres excès de pouvoir latents.
Ce précédent de l’Ipres en rappelle un autre. Il s’agit du cas de ce Guinéen impliqué dans un trafic de faux médicaments et qui avait bénéficié de la grâce présidentielle, en totale violation des règles qui gouvernent ladite grâce. Mamadou Woury Diallo, avec d’autres co-prévenus, était poursuivi et condamné devant le tribunal de Diourbel, dans l’affaire dite de Touba Belel, pour les chefs de délits de contrebande, vente de faux médicaments et exercice illégal de la profession de pharmacien. Alors que le dossier était pendant en appel, il avait obtenu la grâce présidentielle et est rentré, depuis lors, en Guinée. Ce qui avait mis, dans tous leurs états, les pharmaciens privés, partie civile dans l’affaire. Ces derniers, reçus par le président de la République, s’étaient vu signifier par leur hôte qu’il s’était…trompé.
Sont-ce les contrecoups du fast-track avec une confusion nette entre vitesse et précipitation ou ceux de la suppression du poste de Premier ministre, filtre essentiel et soupape de sécurité pour le Président ? Mystère et boule de gomme !
Ibrahima ANNE