Les gouverneurs des quatorze régions du pays qui ne parlent presque jamais de leurs conditions difficiles de travail, ont eu, hier, une occasion en or de vider leur sac devant le chef de l’Etat, Macky Sall. Et, ils ne sont pas allés avec le dos de la cuillère pour étaler toutes les difficultés qu’ils rencontrent dans le cadre de leur mission régalienne.
Ils font partie de la grande muette. Ils ne parlent jamais des conditions difficiles dans lesquelles ils mènent leurs missions régaliennes. Hier, les gouverneurs ont eu l’occasion d’étaler devant le chef de l’Etat, Macky Sall, tous les manquements dans le fonctionnement actuel de l’administration territoriale. Ils travaillent dans des bâtiments qui menacent ruine et non fonctionnels. Et, c’est le gouverneur de Dakar, Mohamed Fall qui a été le premier à vider son sac de doléances. D’emblée, il a précisé au chef de l’Etat que la déconcentration n’avance pas au même rythme que la décentralisation. «Vous donnez l’autorisation de construire versée dans le domaine foncier. Aujourd’hui, je n’ai pu comprendre et les élus certainement avec les gouverneurs qu’une autorisation de lotir soit délivrée par le ministre en charge de la Construction et de l’Urbanisme», s’offusque-t-il. Poursuivant, il relève que dans les régions, un gouverneur de région est en mesure de pouvoir délivrer cette autorisation. Car, explique-t-il, ce sont les conseillers municipaux qui délibèrent, qui en donnent mandat au Maire et le Préfet ou le sous-préfet approuvent. Cependant, il regrette que dans cette procédure, ces autorités snobent le gouverneur pour faire atterrir le dossier au niveau central et solliciter le ministre. «Je crois là, qu’il y a des efforts à faire. Deuxième chose, pour rester dans le foncier, c’est la Commission de contrôle des opérations domaniales (Ccod). Quand il n’y a qu’une seule commission logée à Dakar qui gère l’ensemble du territoire national, cela pose problème. Alors que dans les régions, il y a des chefs de services suffisamment outillés pour conseiller le gouverneur, le préfet mais surtout émettre des avis pertinents sur des dossiers. Donc, ce ne serait pas trop que d’arriver à une création de la commission de contrôle des opérations domaniales (Ccod) régionale et permettre aux régions et départements de se départir de la tyrannie de Dakar», a-t-il plaidé.
Sur le registre du rapport entre les chefs de services régionaux et leurs supérieurs, il soutient que les chefs établis à Dakar font dans la rétention d’informations. Une attitude qui ne milite pas en faveur de l’administration publique. À l’en croire, il y a des chefs de services régionaux qui peinent à disposer d’informations parce qu’elles sont détenues et conservées par son supérieur qui est à Dakar. «Cela a été décrié partout. Nous faisons parfois des rapports incomplets parce que peinant à disposer ou à accéder à l’information. Parce que, celui-là qui est au niveau territorial ne dispose pas de la bonne information. Cela pose problème. Donc, il faudrait que nos patrons qui sont à Dakar délaissent un tout petit peu de leurs prérogatives pour que ceux-là qui sont dans les régions puissent avoir les coudées franches pour vous aider à dérouler votre programme de développement national», a-t-il insisté.
Renforcer le pouvoir des gouverneurs
L’adjoint au gouverneur de Kolda, Boubacar Baïlo Sagna a attiré l’attention du président de la République sur l’état de délabrement avancé des bâtiments administratifs dans les régions. Selon lui, au niveau de la région de Kolda, la préfecture est actuellement hébergée par la mairie. «Vous avez tantôt parlé de l’équité territoriale. A Kolda, il y a trois départements. Il y a le département de Kolda, Medina Yoro Foulah et Vélingara. Mais, l’écart entre les trois départements est énorme. Dans le département de Medina Yoro Foulah, lorsque les populations sont malades, elles ont tendance à aller se soigner en Gambie plutôt que de venir à Kolda tellement le département est enclavé», a-t-il souligné avant de plaider pour le renforcement des équipements au niveau du département de Medina Yoro Foulah. Abondant dans le même sens, le gouverneur de Matam, Mahamadou Moctar Ba a révélé qu’il n’y a pas d’évolution dans la politique de déconcentration de l’Etat. «Ce que l’on recherche à travers la mise en œuvre du Pama, c’est d’assurer une célérité dans le traitement des dossiers de la part de l’administration. Alors, on ne peut parler de célérité tant qu’il y a encore une forte concentration des procédures au niveau de Dakar. Ce que l’on a constaté, c’est qu’en matière de déconcentration, il n’y a pas encore une évolution synchronisée avec la décentralisation», a-t-il souligné. Avant de préciser que la charte de la décentralisation n’a pas été conçue au profit de l’administration territoriale mais pour régler le rapport entre le niveau central et le niveau territorial. Par ailleurs, le gouverneur de la région de Fatick, Seynabou GUEYE a évoqué l’absence de pouvoir des gouverneurs de réorienter les politiques de l’Etat au niveau décentralisé. Selon elle, il y a une nécessité absolue de renforcer le pouvoir décisionnel des gouverneurs. «Les problèmes d’équité qui sont posés l’année dernière risquent de revenir cette année pour la simple raison que le gouverneur n’a pas ce pouvoir de réorientation d’un programme vers des zones qui en ont réellement besoin. Je crois qu’il ne serait pas mal de renforcer la déconcentration mais de renforcer le gouverneur dans ce cadre. De faire en sorte que les actions initiées au niveau central, qu’on ait ce pouvoir parfois de réorienter et mieux équilibrer pour qu’on ait plus d’équité dans nos territoires», fait-elle remarquer. Dans la même veine, elle renseigne que l’Etat n’est pas fortement représenté dans les zones éloignées de certaines régions. «Il serait bon aujourd’hui, à travers ce projet de modernisation justement pour un meilleur rapprochement de l’administration, de les prioriser. Cela nous permettrait de nous rapprocher davantage des populations», a-t-elle insisté.
Adama COULIBALY