Voilà une nomination qui risque d’augmenter la méfiance et la suspicion de l’opposition envers la Cena et envers le pouvoir accusé de vouloir truquer le scrutin présidentiel de février 2019. Et pour cause, l’opposition avait déjà récusé et boycotté ce même Saidou Nourou Bâ choisi en début d’année pour piloter le dialogue politique.
Par décret daté du 9 octobre 2018, le président de la République a nommé Saidou Nourou Bâ, conseiller principal des Affaires étrangères de classe exceptionnelle à la retraite, membre de la Commission électorale nationale autonome (Cena), en remplacement de Mouhamadou Mbodj, décédé. Il prêtera serment le mercredi 19 décembre devant le Conseil constitutionnel où, comme prévu par la loi électorale, il prononcera l’engagement suivant : « Je jure d’accomplir ma mission avec impartialité, de ne me laisser influencer ni par l’intérêt personnel présent ou futur, ni par une pression d’aucune sorte. Dans mon appréciation, je n’aurai pour guides que la loi, la justice et l’équité. Je m’engage à l’obligation de réserve et au secret des délibérations, même après la cessation de mes activités». «Avec, derrière lui, une longue carrière de diplomate, ce militant du mouvement sportif, aujourd’hui très actif dans les organisations de la société civile, s’est récemment illustré comme facilitateur dans les relations entre les organisations de la classe politique. En effet, M. Saidou Nourou Bâ a présidé, de décembre 2017 à février 2018, le Cadre de concertations sur le processus électoral puis a été désigné, en mai 2018, pour présider la Commission ad hoc chargée d’étudier les incidences de la révision constitutionnelle sur le Code électoral communément appelée ‘’commission sur le parrainage’’ », poursuit le communiqué de presse.
Mais cette nomination risque de jeter de l’huile sur le feu et, à n’en pas douter, augmenter la suspicion envers la Cena. Et, pour cause, l’opposition avait récusé et boycotté Seydou Nourou Ba nommé par le président de la République pour diriger le dialogue politique. A l’époque, le porte-parole du Pds n’accordait aucun crédit à cette nomination. «Est-ce que ça change quelque chose», s’interrogeait Babacar Gaye, ajoutant que d’après ses informations, Seydou Nourou Bâ a été proposé par les partis non alignés et les partis «dit de l’opposition» qui prennent part aux concertations avec le ministre de l’Intérieur. «Cette nomination ne nous engage pas. Notre parti, le Pds, n’a pas encore pris une décision, mais les préalables pour un dialogue sincère ne sont pas encore pris en compte. Le Pds et ses alliés n’acceptent pas cette proposition saugrenue issue des non alignés et des partis de l’opposition, alliés à Macky Sall», insiste le porte-parole du Pds.
«Je connais Saidou Nourou Ba fonctionnaire sérieux et diplomate compétent. Par contre je ne lui connais pas de compétence particulière en matière de processus électoral », avait déclaré l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye. Le fondateur de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act) estime que l’instauration d’un climat de confiance, le respect de la loi électorale et de règles du jeu acceptables à restaurer par le régime en place ont besoin surtout d’arbitres forts. «Un arbitre fort, c’est une personne équidistante des parties en présence et capable de peser sur la définition d’un processus électoral clair et transparent puisque les dernières élections ont montré ce dont ce régime est capable », avait-il poursuivi. En outre, la nomination de Saidou Nourou Bâ va également donner raison à l’opposition qui reproche le camp présidentiel de préparer une fraude massive le 27 février 2019. En effet, initiateur de la Plateforme de l’opposition pour la sécurisation du fichier électoral (Pose), Mame Adama Guèye accuse le pouvoir de préparer les esprits à un hold-up électoral en annonçant des sondages qui lui donnent une victoire au première tour avec 56 % des voix. Et il en veut pour preuve, selon lui, la volonté du régime d’avoir une mainmise sur les réseaux sociaux, de verrouiller les médias publics, d’avoir la mainmise sur les médias privés, d’acheter des armes anti-émeutes et d’instaurer un parrainage avec ses «effets pervers». «Nous appelons à la vigilance citoyenne, car si le hold-up se réalise le pays aura des problèmes, il faut qu’on ait conscience de cela», prévient-il, ajoutant que les candidats de l’opposition ne vont plus accepter ce qui s’est passé lors des dernières élections législatives avec la «rétention volontaire et la distribution sélective» des cartes d’électeur. «Nous voulons par la prévention et l’anticipation empêcher ce hold-up parce que c’est la seule condition d’un scrutin apaisé», insiste- t-il à signaler.
Charles Gaiky DIENE