Après la Cour de justice de la CEDEAO, c’est l’Union interparlementaire (UIP), organisation mondiale des parlements des États souverains, qui trouve que l’Etat du Sénégal n’a pas agi avec Khalifa SALL dans les règles de l’art. Saisie par les avocats de l’ex maire de Dakar, l’UIP a rendu sa décision le 18 octobre 2018.
Intégralité de la décision de l’IUP
“SEN-07 – Khalifa Ababacar Sall
Allégations de violations des droits de l’homme :
Arrestation et détention arbitraires
Non-respect des garanties d’une procédure équitable au stade du procès
Atteinte à l’immunité parlementaire
A. Résumé du cas:
M. Khalifa Ababacar Sall, maire de la ville de Dakar au moment des faits, a été élu député à l’occasion des élections législatives du 30 juillet 2017, alors qu’il se trouvait sous mandat de dépôt, décerné le 7 mars 2017 par le Procureur de la République, en lien avec des allégations de détournement de fonds publics à hauteur de 1,8 milliard de francs CFA. Le 13 novembre 2017, des membres de l’Assemblée nationale ont envoyé au Président de l’Assemblée nationale un courrier demandant la libération de M. Sall et l’arrêt des poursuites à son encontre, étant donné que celui-ci bénéficie de l’immunité parlementaire. Le procureur a par la suite demandé à l’Assemblée nationale, par l’intermédiaire du Ministère de la justice, de lever son immunité parlementaire. Suite à cette demande, l’Assemblée nationale s’est réunie en séance plénière, le 25 novembre 2017, sans convoquer M. Sall, le privant ainsi de son droit de se défendre publiquement, et a levé son immunité parlementaire.
Au terme d’un procès qui aura duré près de deux mois et demi, M. Sall a été condamné, le 30 mars 2018, à cinq ans de prison ferme et une amende de cinq millions de francs CFA. Saisie du dossier de M. Sall, la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a soulevé plusieurs irrégularités judiciaires dans la conduite du procès et de l’enquête préliminaire. Les conclusions de la CEDEAO et les irrégularités qu’elle a relevées n’ont pas été prises en compte par la Cour d’appel qui a confirmé la décision de première instance le 30 août 2018. Les avocats de M. Sall se sont retirés du procès en appel afin de dénoncer le caractère arbitraire du procès. Ils ont saisi la Cour de cassation, la dernière voie de recours possible.
B. Décision
Le Conseil directeur de l’Union interparlementaire
1. prend note des informations transmises par les autorités parlementaires en janvier 2018 ; regrette cependant l’absence de réponse ultérieure aux demandes notamment d’informations sur la nature des faits reprochés à M. Sall ;
2. considère que les conclusions de la CEDEAO, à savoir le non-respect du principe de présomption d’innocence étant donné que le contenu des enquêtes menées a été rendu public, le caractère arbitraire de la détention de M. Sall dès lors qu’étant élu il jouissait de l’immunité parlementaire et le rejet sans examen sur le fond des différents recours qu’il a introduits auprès du juge d’instruction, confirment en très grande partie les allégations du plaignant selon lesquelles la procédure entamée contre M. Sall était entachée de sérieux vices ;
3. relève que les avocats de M. Sall se sont retirés du procès en appel afin de dénoncer ces différentes irrégularités judicaires et d’autres incohérences survenues au stade du procès en appel ainsi qu’une justice expéditive ;
4. note avec préoccupation que ces irrégularités judiciaires s’expliquent par le caractère politique du dossier car selon le plaignant, M. Sall fait l’objet de poursuites politiquement motivées dans la mesure où les allégations de corruption ont été formulées à quelques mois des élections législatives en juillet 2017 et après que M. Sall avait annoncé son intention de s’y présenter ; que ces poursuites ont également pour but d’invalider la candidature de M. Sall aux prochaines élections présidentielles prévues pour février 2019, candidature qu’il a officialisée depuis sa cellule ; que son opposition à la révision constitutionnelle engagée par le président a également été un facteur motivant les poursuites à son encontre ;
5. souligne que M. Sall s’est pourvu en cassation et que si la Cour de cassation confirme les décisions de première et de seconde instance, M. Sall sera définitivement écarté de la course à la présidentielle ; espère que ce dernier recours sera examiné selon une procédure indépendante et impartiale et dans le respect des normes nationales et internationales applicables en la matière ;
6. considère que les allégations de détournement de fonds pour lesquelles M. Sall a été condamné sont en lien avec l’usage de fonds alloués à une « caisse d’avance » mise à sa disposition lorsqu’il était maire, un mécanisme dont l’existence remonterait à plusieurs années et qui aurait été utilisé par ses prédécesseurs sans jamais être contesté selon le plaignant ; réitère son souhait d’obtenir des informations à cet égard de la part des autorités parlementaires afin de mieux comprendre la teneur des allégations ;
7. prie le Comité de poursuivre l’examen de ce cas et de lui faire rapport en temps utile.
Cas SEN-07
Sénégal : Parlement Membre de l’UIP
Victime : Membre de l’opposition et maire de la ville de Dakar
Plaignant qualifié : section I.1)
(a) de la Procédure du Comité (Annexe 1)
Date de la plainte : novembre 2017
Dernière décision de l’UIP : – – –
Mission de l’UIP: – – –
Dernière audition du Comité :
Réunion du secrétaire du Comité avec les avocats de M. Khalifa Sall à l’occasion du séminaire francophone sur l’EPU à Dakar (juillet 2018)
Suivi récent
– Communication des autorités : lettre du Président de l’Assemblée nationale : janvier 2018
– Communications du plaignant : septembre 2018
– Communication de l’UIP adressée au Président de l’Assemblée nationale : février 2018
– Communication de l’UIP adressée au plaignant : juillet et septembre 2018″
Avec Seneplus