CHRONIQUE DE WATHIE
Le Sénégal n’est pas un pays pauvre. Ce sont ses populations qui sont maintenues dans l’ignorance et la misère pour être dominées et exploitées encore et encore. La transition systémique, après ce que l’on appelle indépendance, a donné des gouvernants concevant le pouvoir comme une récompense à sécuriser quel qu’en soit le prix. La patrie inexistante pour représenter quelque chose, les bijoux de famille de la République ont été mis entre les mains de colonisateur en guise de gage de la jouissance du pouvoir. Naître après 1960, n’empêche pas à Macky SALL de réfléchir et d’agir comme ses prédécesseurs. Au contraire, le dynamisme de la jeunesse l’encline davantage à consolider ce système au détriment de tout ce qui est national.
Le Sénégal, ce tout petit Etat d’à peine 15 millions d’habitants réputés pour leur dynamisme et leur sagacité, est l’un des rares pays africains pouvant se targuer de n’avoir jamais connu de coup d’Etat. C’est un pays stable et accueillant où les touristes vont et viennent régulièrement et à leur guise. Il est approvisionné quotidiennement en centaines de milliers de francs par des émigrés établis un peu partout dans le monde. Les transferts de fonds des Sénégalais de l’extérieur représentent environ 8 % du PIB. C’est un pays admirablement tracé par la nature avec plus de 500 km de côtes, de Saint-Louis à Cap Skirring, pouvant permettre toutes sortes d’activités en plus de la pêche. Avec les fleuves Gambie, Casamance et Sénégal, il a les dispositions d’une île en terre ferme. Sans compter son lac d’eau douce (lac de Guiers en plus du lac Rose). Il compte 6 parcs nationaux et près d’une trentaine de réserves naturelles. Au sud, le Sénégal est constitué de régions au sol et sous-sol plus que généreux. L’ancien président ivoirien, Houphouët Boigny, considérait la Casamance (Kolda, Sédhiou et Ziguinchor) comme des greniers naturels pouvant nourrir toute l’Afrique de l’ouest. Tambacounda et Kédougou, avec Sabodola, fournissent des tonnes d’or sans compter les autres minerais. En 2016, la société Sabodala Gold opérations (SGO) a produit 6,15 tonnes d’or exportées en Suisse. Les réserves des mines de fer de la Falémé sont estimées à 630 millions de tonnes. Au centre du pays, les allers-retours des trains acheminant tout droit au port de Dakar phosphates, zircon et autres minerais, sont interrompus. Beaucoup de Sénégalais ne savent pas que leur pays est la troisième réserve mondiale de zircon, un minéral hautement convoité. Et tout ceci ne prend pas en compte les énormes réserves de gaz et de pétrole dont on dit qu’elles sont récemment découvertes.
Comment un pays, avec de telles caractéristiques, peut se retrouver parmi les vingt-cinq nations les plus pauvres de la planète ? Pauvre au point de décourager ses jeunes qui sans perspective prennent le chemin du suicide tracé par des pirogues en partance pour l’Espagne. Pauvre au point de voir les charrettes constituer le principal moyen de transport à Touba, la deuxième agglomération la plus peuplée du pays après Dakar. Si une telle situation prospère, c’est qu’au contact des oreilles des dirigeants, le mot démocratie a sonné kleptomanie.
Enlever à Dakar ce que le colonisateur y a laissé et il n’y reste pas grand-chose. C’est aussi un moyen de se rendre compte que les gouvernants qui se sont succédé à la tête du pays ont été et sont plus préoccupés par leur embonpoint que par les conditions de vie des populations. En lieu et place de véritables projets de développement, en mesure de tirer les populations de la pauvreté, ils sont plus enclins à consolider leur pouvoir qui passe également par l’asservissement vis-à-vis du colonisateur qui n’est jamais parti. Ainsi, l’Etat se déresponsabilise et les secteurs les plus rentables de l’économie sont confiés aux étrangers qui expatrient les richesses ainsi gagnées. La France se porte mieux, les gouvernants prennent du poids et le peuple étouffe dans sa misère.
Pour piller systématiquement, dans la plus grande impunité, les ressources du pays et fermer toute perspective aux jeunes, il faudrait bien que le grand nombre ne comprenne rien ou joue le jeu. L’école n’ayant pas réussi à bien armer les citoyens, des esprits, formatés depuis le bas âge dans la servitude, se sont chargés de bercer le peuple jusqu’à la somnolence. Ils font croire que la seule et unique mission qui vaille d’être poursuivie dans cette vie c’est être tranquille dans une grande maison avec une ou plusieurs belles femmes (ou riches maris) et des voitures. Qu’importe ce que les autres vivent, l’essentiel est qu’ils vous envient. La perspective de mettre la main sur « cet idéal » sociétal a forgé égocentrisme après avoir . D’où viennent les expressions – « Mag dou seug fou dara nékoul ; kén dou féth si yalla na dé ; lékét kessé dou nakhi beuy » – qui conditionnent de plus en plus la manière d’être dans la société ? Cet individualisme, que l’on inculque progressivement aux populations à travers un engrenage diaboliquement subtil dont la plus visible représentation demeure ces films, télénovelas et autres téléfilms qui chantent l’infidélité et inoculent le virus de la traitrise. C’est le sauve qui peut, chacun cherche à s’en sortir et le plus rapidement possible qu’importent les moyens. C’est la quête permanente du gain, le moyen le plus efficace de s’asservir. Ainsi, le savoir traduit en carton, les intellectuels sont passés derrière les rideaux. Le mérite se ride et les vertueux s’enlisent.
Mame Birame WATHIE
PS : merci de me signaler fautes ou omissions.