Après Wari, c’est à la Sde de subir le diktat de la préférence française. Alors que tout la prédestinait vainqueur dans le processus de sélection d’un concessionnaire pour l’hydraulique urbaine, la Sénégalaise des eaux voit le français Suez décrocher la timbale.
L’Etat a beau faire du dilatoire mais au bout du suspens, il fait son forcing pour confirmer sa préférence bleue, usant d’un coup de force comme chez Macron avec le 49-3.
Les Français encore arrosés. Aussi surprenant qu’on pouvait s’y attendre, l’Etat a décidé de filer le marché de la distribution de l’eau à l’entreprise française Suez. Selon des sources sûres, proches de la commission des marchés, c’est finalement cette entreprise française que le gouvernement a choisi. Ces mêmes sources rapportent qu’ayant subi de fortes pressions, la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) qui dépend du ministère des Finances, a fini par céder pour donner son «avis de non objection». Ce qui donne aux services du ministre Mansour Faye, le champ libre pour dévoiler l’attributaire de ce marché tant convoité et dont la dernière marche mettait aux prises l’entreprises quasi sénégalaise, Sde, et deux autres françaises. Mais au finish, ce sont les Français qui ont encore raison sur Mansour Kama et les autres sénégalais qui avaient mis leurs billes dans cette affaire depuis 1996. Une information dont on a eu la saveur lorsqu’un journal du pouvoir a tenté d’expliquer l’échec de l’actuel distributeur d’eau.
Mais, il faut dire que le dénouement de cette affaire donne raison à ceux qui avaient des suspicions. Et cela risque de faire un gros scandale à Paris où le deal était dans tous les cénacles, selon certaines sources dans le secteur privé. Ce qui fait que, tout le monde là-bas savait comment cela s’est passé puisque les mauvaises pratiques de certaines grandes sociétés sont connues. Il suffit de faire des recherches sur google pour découvrir ses œuvres en France, Espagne et ailleurs.
Ainsi, après la lutte acharnée qui a opposé l’homme d’affaires et patron du groupe Wari, Kabirou Mbodj, au magnat français des télécoms, Xavier Niel, patron d’Eliad qui exploite Free pour le rachat de Tigo, ce sont d’autres Sénégalais qui se voient arracher un bon fromage. Ce qui est très loin d’être les bonnes méthodes d’un Etat-stratège. Lequel fait tout pour adouber ses champions nationaux pour les rendre compétitifs avant de les accompagner à l’export, comme le fait bien le roi du Maroc qui est loin d’être fréquent au Sénégal pour le beau soleil dakarois.
Pour la première fois, dans ce secteur, une entreprise sénégalaise était compétente sur le plan international au point d’intervenir au Congo ou à La Mecque. Mais au Sénégal, nul n’est prophète chez soi à cause de la préférence française. Cependant, on ne doit pas changer les règles du jeu en cours de compétition. Et tout le monde sait que la Sde ne demande aucun privilège. Elle ne devrait réclamer que le respect des règles de concurrence. Un manquement qui constitue un mauvais signal aux investisseurs et qui est incompatible avec la vision déclinée dans le Plan Sénégal émergent (Pse). Lequel programme risque, comme le soutiennent certains, de ne faire que l’affaire des Turcs, Marocains et autres Français.
Macky prenant fait et cause pour la France, la préférence nationale n’est que pour les affairistes de son système qui, sans doute, l’appuient politiquement. Car, les seules entreprises favorisées sont celles nées avec son avènement. Et, à ce rythme, notre pays va être un souk pour les étrangers, même si le pouvoir a dernièrement pompeusement reçu les commerçants de l’Unacois pour leur faire miroiter un décret qui freine l’expansion de la grande enseigne française, Auchan qu’ils combattent ardemment au point de menacer de sanctionner le régime s’il ne le dégageait pas.
Au moment où nous mettons ces lignes sous presse, la Sde n’a pas encore été saisie de ce verdict, selon des sources proches du dossier. Lesquelles annoncent qu’elle a néanmoins la possibilité de faire un recours auprès de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp). Ce qui ne ferait que lancer le début du combat qui se prolongera en pleine campagne électorale où l’opposition risque d’avoir un os à ronger.
Seyni DIOP