Le phénomène prend de l’ampleur. Sortir avec un homme marié est devenu un fait banal pour certaines jeunes femmes.
Lesquelles donnent leurs raisons que la raison ignore.
Autres temps, autres mœurs. Si sortir avec un homme marié était inimaginable il y a quelques années, aujourd’hui, le phénomène relève de la banalité. «Sortir avec un célibataire est une perte de temps». Le mot est lâché. Il est de l’une de nos interlocutrices rencontrées dans la rue. Il est symptomatique de la nouvelle tendance chez les jeunes demoiselles dont la plupart préfèrent être avec toutes sortes d’hommes, même polygames, mais jamais avec un célibataire. C’est le cas de Maty Guèye. «A part les amourettes, je ne suis jamais sortie avec un homme célibataire. Ma préférence va plutôt vers les hommes mariés. Et je ne compte pas changer de registre», déclare Maty, du haut de ses 28 ans. La demoiselle campe sur ses positions et se dit prête à assumer les conséquences de son choix de vie qu’elle assimile à du feeling. «C’est une sensation personnelle ; c’est ce que je ressens», dit-elle sans trémolo.
Fatou, étudiante de son état, partage la même «religion» que Maty. Ce, pour une raison toute simple. «Les hommes mariés sont plus compréhensifs, ne vous mettent pas la pression, n’ont pas trop de temps ni pour vous voir, ni pour passer tout leur temps au téléphone avec vous», justifie la jeune étudiante qui trouve le temps précieux. «Il faut vraiment n’avoir rien à faire de sa journée pour passer son temps au téléphone», déclare-t-elle. Elle et ses congénères disent être dans l’impossibilité d’allier pression des études, des parents, du boulot et d’un copain encombrant. «L’homme marié nous comprend et nous conseille. Tandis que, pour le célibataire, le soir, c’est le moment des appels kilométriques pensant que s’il raccroche, vous allez peut-être parler avec un autre homme. Du coup, cela en devient ennuyant», déclare Fatou. Qui dit avoir besoin d’un homme responsable qui, au-delà de la relation amoureuse qui les lie, doit être un exemple pour elle. Des critères que, apparemment, elle ne trouve que chez un homme marié. Mais, pas que. Parce que les filles rencontrées pensent que, côté finances, les hommes mariés sont plus généreux, moins pingres que les célibataires. «Ils vous donnent autant qu’à leurs propres épouses. Nos besoins font partie de leurs priorités. Ils nous amènent dans des milieux chics durant la journée, nous épargnent des longues marches et des conversations sans fin. La nuit tombée, nous sommes à côté de nos parents. C’est plus rassurant», témoignent-elles. Avant de révéler la peine qu’elles subissent au réveil après avoir passé la soirée, oreille scotchée au téléphone, pour écouter un amoureux célibataire qui n’a de compte à rendre à personne.
Aïssatou Ndour, copine de Fatou, ne partage pas son avis. Elle opte de sortir avec un célibataire car elle veut être la première épouse. «Si on rendait la monnaie aux filles qui lorgnent les maris des autres, cela allait-il leur plaire? Elles doivent laisser les femmes mariées s’occuper de leur mari et avoir une vie de couple paisible, vu que les hommes ont déjà fait leur choix», tranche-t-elle. La jeune étudiante a peur que ce genre de relations soit basé sur des mensonges. Pour elle, l’homme comme la femme peut sortir avec quelqu’un pour un but bien précis (argent, sexe, etc.) et non par amour. Elle pense que les célibataires sont exigeants parce que leur amour est réel. Et citant l’adage, elle pense que «qui aime bien châtie bien». Aïssatou donne les raisons qui la poussent à préférer les hommes non mariés. «Les célibataires sont présents en cas de besoin, à n’importe quel moment et n’importe quelle heure», dit-elle. Elle ne pense pas que ces derniers soient encombrants. «Une personne qui aime a besoin de parler, de sortir et d’être avec son homme quand elle le veut», ajoute-t-elle. Et naturellement, ces critères, un homme marié ne pourra jamais les remplir fidèlement. C’est pourquoi, elle invite les jeunes filles à «sortir avec les hommes de leur génération et qui ont la même situation matrimoniale qu’elles».
Le moment de la séparation est aussi un autre élément d’appréciation. «Il est plus facile de se séparer d’un homme marié que d’un célibataire. Il suffit juste de menacer de tout dévoiler à sa femme pour qu’il vous colle la paix», souligne Aïssatou. Sauf que, avec la conjoncture, elle avoue l’impossibilité pour les femmes de se libérer des hommes déjà «pendus». «Nous ne pouvons échapper aux hommes mariés parce que les femmes sont plus nombreuses que les hommes», dit-elle, réaliste.
Fatou Sy, femme mariée, est hors d’elle quand on l’interpelle sur le sujet. Au point de traiter celles qui mettent le grappin sur les hommes mariés de «mauvaises filles».
TROIS QUESTIONS A…
PAPE YORO BAKHOUM, SOCIOLOGUE
«Les filles trouvent plus de sécurité chez les mariés»
WalfQuotidien : De nos jours, les jeunes filles préfèrent, de plus en plus, les hommes mariés. Qu’est-ce qui explique cette tendance ?
PAPE YORO BAKHOUM : C’est un fait social. En réalité, les femmes tiennent beaucoup à leur sécurité corporelle, mais également à leur sécurité matérielle. Elles trouvent leur compte chez les hommes mariés qu’elles estiment plus compréhensifs, plus sensibles à leur affection. Mais aussi sensibles à leurs prises en charges matérielles
Est-ce pour autant une raison valable pour tourner le dos aux célibataires qui sont de la même génération qu’elles ?
Elles ont besoin d’une personne pour leur prise en charge matérielle, d’une personne qui ne les fatigue pas dans la relation. C’est pourquoi, elles tournent le dos à leurs copains de génération, qu’elles accusent d’être arrogants, de négliger leurs passions, leurs émotions, etc. Du coup, elles trouvent plus de sécurité chez les hommes mariés beaucoup plus responsables et plus matures dans la prise en charge de leurs sentiments et besoins.
Ces relations sont-elles sincères ?
Cela va de soi, les sentiments sont des valeurs affectives qu’on ne peut mesurer avec objectivité. Mais on peut constater des relations d’intérêt. Par exemple, les hommes bousculés dans leur famille avec les conditions et la routine ont tendance à changer de visage et à changer de fréquentation. Ce qui les pousse vers ces jeunes filles qui peuvent leur donner un peu de fraîcheur. Du côté des jeunes filles, elles trouvent des intérêts économiques pour des besoins de survie. Avec les tumultes de la vie et la question de la pauvreté, ces dernières savent bien que ces hommes sont habitués à dépenser, à prendre en charge une famille. Alors, elles pensent y trouver leur compte.
Il y a aussi l’aspect religieux. Vu que nous sommes dans un pays à majorité musulmane, la femme sait pertinemment que l’homme peut se remarier. Du coup, elle va tenter sa chance, vu qu’un mari est devenu une denrée rare et les guerres de positionnement ne manquent pas. Et ces genres de relations sont sérieuses et peuvent aboutir à un mariage.
Adja Mariétou NDAO
(Stagiaire)