CONTRIBUTION
Le Dr Cheikh Tidiane Gadio s’est illustré dans la résolution de tous les conflits dans la sous-région et dans l’Afrique entière en profitant de son entregent personnel et de sa connaissance du terrain et des hommes. Il fut assurément le meilleur ministre des Affaires étrangères du Sénégal depuis l’indépendance. Certains diront lors de son limogeage que le président Wade, jaloux de ses entrées, l’avait limogé parce qu’il lui faisait de l’ombre sur le plan africain. Il résolut le conflit interne en Mauritanie lors du putsch de 2008 et éteignit beaucoup de futurs conflits que sa médiation tua dans l’œuf.
L’autre face dont nous devons tenir compte est que le Dr Gadio est une icône d’un Sénégal qui sait produire de grands hommes imbus de leur culture, aptes à la compétition de haut niveau et préparés au leadership mondial. Il est le type de Sénégalais et d’Africains que tout un chacun voudrait que son fils soit. Ne laissons pas tuer nos icônes. Autant, on nous parle de pétrole ou de richesses halieutiques pillés, autant, on ne devrait pas tuer nos richesses humaines, plus essentielles dans la compétition mondiale. Les richesses n’ont de valeur que si des hommes de valeur les exploitent au bénéfice de tous. Des hommes comme le Dr Gadio sont de dignes fils d’Afrique qui ont porté et continuent de hisser haut l’étendard de l’Africain décomplexé qui tient la dragée haute aux tenants du pouvoir mondial, calmement sans bruits, mais d’une terrible efficacité.
Ne laissons pas détruire ce qui nous reste après la mainmise des puissances mondiales sur nos ressources, en acceptant que nos hommes de valeur soient brûlés sur l’autel des combats dont nous ne sommes et ne serons que des victimes. Parce que, quand, après avoir sabordé nos capacités de résistance face à la déferlante culturelle porteuse de germes avilissants et mis la main sur l’essentiel de nos moyens de vivre, on accepte que nos icônes soient salies, déshonorées, traînées dans la boue.
Quand on nous aura fait participer au meurtre de nos hommes de valeur, quand, pour finir, on nous aura donné le couteau et la meule pour l’aiguiser et qu’on nous demandera de couper la tête pensante de notre continent et que, habitués à l’émotion, on nous embarque dans le pogrom de nos élites et qu’on nous aura transformés en bourreaux de nos fils valeureux, ce jour-là, sachons que la boucle est bouclée. Le dernier rempart constitué par la valeur des hommes sera tombé. Nous serons nus comme un ver.
Mais, comme nous, Africains, nous n’avons et ne savons que faire de nos richesses parce que nous n’en savons même pas les valeurs et que, depuis la nuit des temps, nous favorisons et participons aux pillages de nos avoirs par les autres, il devient facile pour les autres de s’attaquer à nos richesses immatérielles après s’être emparés de nos richesses naturelles. Le Dr Gadio est un homme intègre et ses neuf années passées dans les deux mandats du président Wade où les «affaires» d’argent ont été les choses les plus déterminantes et que personne n’a entendu son nom mêlé à ces bruits honteux, démontrent à suffisance que cet homme est au-dessus de tout soupçon.
Il faut accorder au Dr Gadio le bénéfice du doute dans cette affaire dont on l’accuse. Il pouvait ne pas savoir les conséquences de ses actes, d’autant que c’est une pratique universelle consacrée que l’intermédiation. Tout le monde sait que le lobbying est la spécialité des Américains.
Le Dr Gadio est une fierté nationale. Un digne fils du Sénégal qui est sorti des entrailles de la bonne vieille société de valeurs sénégalaises et africaines. Il est parmi d’autres éminents fils de ce continent, un soldat que nous nous devons de sauver de la machine implacable du système juridico-financier international qui est mis en place pour broyer tout sur son passage quand ses intérêts sont en danger. Et ses victimes ne sont pas les collabos indignes qui courbent l’échine et se prosternent devant leur puissance, mais, des hommes sereins, à la tête bien faite, vissés dans nos illustres valeurs africaines, décomplexés qui leur tiennent tête. Ces hommes ne sont pas des poseurs de bombes, ni des kamikazes qui se suicident pour ne plus vivre les injustices légalisées et imposées des tenants du monde, mais, des gens qui utilisent des armes intellectuelles et savantes qu’ils retournent à leurs concepteurs. Ils sont allés, ces soldats, dans les écoles d’élites des puissants, ont assuré et plus tard, sur le terrain, ils leur prouvent qu’ils sont à la hauteur. Ce sont ces icônes qui agissent et cultivent l’indépendance en actes que l’intelligentsia politico-juridico-affairiste des puissants s’attellera à abattre.
Pourquoi ne poursuivent-ils pas ceux qui déposent des milliards dans leurs banques ? Pourquoi ne poursuivent-ils pas ceux qui commettent les pires crimes économiques à partir de leurs stations élevées en Afrique ? Parce qu’ils savent tout, ces messieurs et que s’ils voulaient lutter contre la corruption, c’est bien par là qu’ils devraient commencer. Pas par un honnête travailleur à qui, on présente un arsenal répressif pour lui dire que «nul n’est censé ignorer la loi».
C’est clair ! A travers Gadio, c’est à une intelligentsia africaine debout que l’on s’attaque. Si Gadio tombe, sachons que c’est une ligne de défense principale de notre personnalité africaine qui tient tête qui s’est effondrée. En définitive, même si Gadio était emprisonné à vie dans leurs geôles par leur système, qu’il soit libre dans nos cœurs et dans nos esprits. On n’emprisonne pas les consciences.
Badou NDAO