Il a été élu député et a maintenant la liberté, la légalité et la légitimité d’interpeller le Président de l’Assemblée nationale sur la gestion des finances de l’institution. Et il ne s’en prive pas. En effet, à peine installé dans ses fonctions de parlementaire, Ousmane Sonko dépoussière un dossier qui lui est cher et qui, entre autres affaires, lui a valu sa radiation de la Fonction publique.
Dans une lettre adressée au Président de l’Assemblée, il réclame encore des comptes à Moustapha Niasse sur la dette fiscale de l’Assemblée nationale. «En tant que députés, nous serons amenés dans les tout prochains jours à interpeller le gouvernement, entre autres, sur sa gouvernance et la conduite de l’action publique dont il a la charge. Le principe voudrait, pour notre crédibilité, qu’on commence par faire le ménage en notre sein d’abord», écrit le leader de Pastef, ajoutant que la treizième législature vient d’être installée sous un folklore qui jure d’avec le discours inaugural empreint d’une grande solennité du leader de l’Afp. Ousmane Sonko souligne que, dans ce discours, prononcé à grand renfort de citations d’auteurs français, de rappels historiques, voire même bibliques, Moustapha Niasse a largement mis l’accent sur les notions de responsabilité, de conscience et de discipline des parlementaires avec, en prime, des menaces à peine voilées contre les contrevenants éventuels.
Nous voulons bien, dit-il, lui accorder une présomption positive, mais pas sur parole simplement. Car d’après lui, tout nouveau départ doit être assis sur des bases saines parce que assainies. C’est pourquoi, prenant au mot Moustapha Niasse, il l’interpelle sur la situation fiscale de l’Assemblée nationale. «L’année dernière, à pareille époque, je soulevais un cas patent de détournement fiscal impliquant l’institution, que vous présidiez. Ces infractions répétitives avaient occasionné des redressements fiscaux des services compétents qui, à la date du 23 mai 2016, s’élevaient à un montant de 6 589 708 974 de francs CFA décomposé ainsi: retenues à la source: 3 909 037 163, TVA précomptée; 2 680 671 811», souligne Ousmane Sonko.
Dette «héritée»
Et de rappeler que dans un communiqué paru le 24 mai 2014, l’Assemblée nationale parlait d’une dette fiscale héritée et qui ne s’élevait qu’à seulement 120 809 722 de francs Cfa. «Il s’agit là d’une fraude fiscale caractérisée, passible de sanctions fiscales et pénales conformément aux dispositions du code général des impôts ; d’autant qu’elle porte sur des impôts retenus sur les salaires et émoluments du personnel, des députés et des prestataires, ou de la Tva précomptée à vos fournisseurs, dont le reversement n’a pas été effectué», martèle Ousmane Sonko. «Monsieur le Président, à l’orée de cette nouvelle législature, je souhaiterais, en tant que député, avoir l’assurance que de tels manquements graves à la gestion publique ont été correctement traités et ne se reproduiront pas», poursuit-il avant de réclamer des réponses sur le montant exact du passif fiscal dont la nouvelle législature pourrait hériter de celle écoulée et dont Niasse était le Président.
Le fondateur de Pastef veut également des éclairages sur le traitement consacré à son apurement. «Les responsabilités de ces manquements ont-elles été situées et, le cas échéant, quelles sanctions avez-vous diligentées? Quelles précautions avez-vous prises pour que ce honteux épisode dit de “l’impôt des députés” ne sime que cette affaire, plus que toute autre, mérite d’être prise en charge par une commission ad hoc car, selon lui, l’institution parlementaire doit être l’exemple achevé de civisme fiscal.
Mais en tout état de cause, il affirme qu’il se réserve le droit de saisir le gouvernement d’une question écrite pour sa propre gouverne et pour éclairer la lanterne de ses mandants (les citoyens sénégalais) sur cette question qui les intéresse au plus haut point, vu les passions qu’elle avait déchaînées.
Pour justifier sa détermination à pousser l’Assemblée nationale à éclairer les citoyens, Ousmane Sonko explique que dans notre pays, nous n’avons pas une culture de suivi et d’exigence de traitement rigoureux des scandales d’Etat. C’est pourquoi, d’après lui, les dizaines de scandales qui accompagnent la gouvernance publique tombent vite dans l’oubli, et le cycle continue de plus belle, sans qu’aucune conséquence n’en soit tirée. Aussi, il souhaite que les parlementaires s’appliquent une rigueur sans faille dans la gouvernance de l’Assemblée nationale, avant d’exiger cette même rigueur au gouvernement dont ils doivent contrôler l’action. «Pour ces deux raisons, j’ai pris le soin de démarrer mon mandat parlementaire, non pas par une question écrite au gouvernement (nous en ferons beaucoup), mais par la lettre adressée à monsieur Moustapha Niasse, président de l’Assemblée nationale», conclut le néo député Ousmane Sonko.
Walf Quotidien