Les casseroles ne font plus de bruit et de mal. Ce constat du pouvoir qui multiplie les gaffes dans la gestion des affaires semble choquer tout le monde au Sénégal.
Et le silence assourdissant de l’opposant Abdoulaye Wade, victime des mêmes actes de népotisme qui lui ont fait perdre le pouvoir, suscite des interrogations au sein de l’opinion publique. Une grosse «anomalie» qui conforte la thèse de ceux qui le soupçonnent d’avoir sonné à la porte du palais.
Tout le Sénégal s’interroge sur la rareté subite de la parole publique d’Abdoulaye Wade. Il se cache mais il est partout puisque nombre de Sénégalais s’attendent à sa réaction sur les sujets brûlants de l’heure, notamment le nouveau gouvernement, la nouvelle Assemblée nationale dont il a démissionné, la libération de Khalifa Sall ou encore la nomination du frère du chef de l’Etat à la Caisse des dépôts et consignations (Cdc). Rien sous le soleil. Il risque de faire le tintamarre avec sa venue, pour un petit tour et puis s’en va. Wade s’abstient, en effet, de parler de tous ses problèmes. Un mutisme que certains expliquent par des «discussions» avec le palais.
Débarqué du pouvoir à cause de la présence trop pesante de sa famille, notamment pour avoir mêlé son fils dans les affaires de la nation, l’ancien président de la République a une occasion inespérée de rendre la politesse à son opposition d’hier, aujourd’hui aux affaires. Et dont certains alliés doivent être mal à l’aise dans le système à cause des mêmes choses qu’ils ont combattues sous Wade. Mais, le Pape du Sopi s’est emmuré dans un silence qui inquiète plus d’un. Lequel semble donner raison à tous ceux qui, nombreux dans le pays maintenant, le soupçonnent de «deal» avec son ex-fils putatif. Une thèse d’ailleurs corroborée par les propos de Macky Sall à son endroit, la semaine dernière sur les ondes de Radio France internationale (Rfi), lorsqu’il applaudissait son choix de ne pas siéger à l’Assemblée nationale après avoir conduit la liste de sa coalition, arrivée seconde aux dernières élections législatives. «Je pense que, pour ce qu’il incarne dans le pays, pour son rôle politique, ses fonctions antérieures, il peut continuer à donner de l’inspiration à ses partisans et même aux pays sans siéger à l’Assemblée nationale», a réagi le Président Sall, lors de la cérémonie d’ouverture de la deuxième édition de l’Assemblée des actionnaires d’Africa50, tenue la semaine dernière à Dakar.
Cette trêve entre Wade et Macky commence d’ailleurs à faire siffler quelques oreilles au sein de l’opposition au régime. Ainsi, malgré son autorité reconnue dans l’opposition, Abdoulaye Wade ne sera pas suivi par la jeune garde dans sa volonté de boycotter la prochaine élection présidentielle. Car, aussitôt l’idée sortie de la bouche de ses sbires, des leaders comme Malick Gakou se sont aussitôt démarqués et annoncé leur candidature aux échéances de 2019 pour éviter d’être spectateurs de cette «tuerie» annoncée que les actuels alliés de Macky Sall ont amèrement regrettée en 2007. A côté de Gakou, on imagine mal Idrissa Seck, Abdoul Mbaye, Abdoulaye Baldé ou un certain Ousmane Sonko se risquer dans cette voie sans issue. Sinon, ce serait baliser la voie au prince qui se la coule douce au Qatar en attendant la fin de cette «régence ?».
En tout cas, beaucoup, notamment ses propres partisans, s’attendent à la réaction du Pape du Sopi sur ce cas de népotisme qui fait débat dans le pays, avec la nomination par décret du frère de Macky Sall, contrairement à ce qu’il avait publiquement déclaré. Car, comme il s’en désolait du temps de son ex-mentor, en avril 2010, sur les ondes d’une radio de la place, le Président Sall avait dit que «la place de la famille présidentielle dans la gestion des affaires de l’Etat ne doit pas être envahissante, gênante et débordante». Pourtant c’est le même homme politique qui, 4 ans plus tôt, apportait une sévère réplique à feu Mamadou Dia, ancien président du Conseil qui a signé de sa main l’Acte d’indépendance du Sénégal comme le rappelait fort élogieusement, à l’époque, Abdou Latif Coulibaly, actuel ministre de la Culture, au régime de Wade. En effet, fustigeant dans une tribune en date du lundi 27 juin 2006, intitulé «Allons-nous vers une dynastie wadiste ?», l’ancien président du Conseil, se voyait répondre par Macky Sall, alors Secrétaire général national adjoint du Pds. Extrait de ces boules puantes : «Monsieur le Président Mamadou Dia, dans un article publié le 27 juin 2006 dans plusieurs quotidiens sénégalais, votre notabilité s’est livrée à des attaques «ad hominem» contre le président Abdoulaye Wade et sa famille. Vos propos, essentiellement basés sur des ‘il se dit …’, donc la rumeur et les perceptions personnelles, nous surprennent de la part d’un homme qui a assumé les plus hautes fonctions de l’Etat. Votre démarche heurte nos mœurs sociales et notre culture de respect. (…) Le Sénégal de 2006 n’est pas celui de 1962», écrivait Macky Sall. Au moins, rien n’a changé dans son discours et dans ses actes sur le népotisme. En attendant que Niasse «ose» convoquer Aliou Sall devant les députés pour qu’il s’explique sur l’affaire Petro-Tim.
Seyni DIOP/ Walf Quotidien